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Ïðîáëåìà ïåðèîäèçàöèè ðóññêîé ëèòåðàòóðû ÕÕ âåêà. Êðàòêàÿ õàðàêòåðèñòèêà âòîðîé ïîëîâèíû ÕÕ âåêà

Öåíîâûå è íåöåíîâûå ôàêòîðû

Õàðàêòåðèñòèêà øëèôîâàëüíûõ êðóãîâ è åå ìàðêèðîâêà

Ñëóæåáíûå ÷àñòè ðå÷è. Ïðåäëîã. Ñîþç. ×àñòèöû

ÊÀÒÅÃÎÐÈÈ:






Chapitre V La rose s’aperçoit qu’elle est une machine de guerre




Un jour Cosette se regarda par hasard dans son miroir et se dit: Tiens! Il lui semblait presque qu’elle était jolie. Ceci la jeta dans un trouble singulier. Jusqu’à ce moment elle n’avait point songé à sa figure. Elle se voyait dans son miroir, mais elle ne s’y regardait pas. Et puis, on lui avait souvent dit qu’elle était laide; Jean Valjean seul disait doucement: Mais non! mais non! Quoi qu’il en fût, Cosette s’était toujours crue laide, et avait grandi dans cette idée avec la résignation facile de l’enfance. Voici que tout d’un coup son miroir lui disait comme Jean Valjean: Mais non! Elle ne dormit pas de la nuit. – Si j’étais jolie? pensait-elle, comme cela serait drôle que je fusse jolie! – Et elle se rappelait celles de ses compagnes dont la beauté faisait effet dans le couvent, et elle se disait: Comment! je serais comme mademoiselle une telle!

 

Le lendemain elle se regarda, mais non par hasard, et elle douta: – Où avais-je l’esprit? dit-elle, non, je suis laide. – Elle avait tout simplement mal dormi, elle avait les yeux battus et elle était pâle. Elle ne s’était pas sentie très joyeuse la veille de croire à sa beauté, mais elle fut triste de n’y plus croire. Elle ne se regarda plus, et pendant plus de quinze jours elle tâcha de se coiffer tournant le dos au miroir.

 

Le soir, après le dîner, elle faisait assez habituellement de la tapisserie dans le salon, ou quelque ouvrage de couvent, et Jean Valjean lisait à côté d’elle. Une fois elle leva les yeux de son ouvrage et elle fut toute surprise de la façon inquiète dont son père la regardait.

 

Une autre fois, elle passait dans la rue, et il lui sembla que quelqu’un qu’elle ne vit pas disait derrière elle: Jolie femme! mais mal mise. – Bah! pensa-t-elle, ce n’est pas moi. Je suis bien mise et laide. – Elle avait alors son chapeau de peluche et sa robe de mérinos.

 

Un jour enfin, elle était dans le jardin, et elle entendit la pauvre vieille Toussaint qui disait: Monsieur, remarquez-vous comme mademoiselle devient jolie? Cosette n’entendit pas ce que son père répondit, les paroles de Toussaint furent pour elle une sorte de commotion. Elle s’échappa du jardin, monta à sa chambre, courut à la glace, il y avait trois mois qu’elle ne s’était regardée, et poussa un cri. Elle venait de s’éblouir elle-même.

 

Elle était belle et jolie; elle ne pouvait s’empêcher d’être de l’avis de Toussaint et de son miroir. Sa taille s’était faite, sa peau avait blanchi, ses cheveux s’étaient lustrés, une splendeur inconnue s’était allumée dans ses prunelles bleues. La conscience de sa beauté lui vint tout entière, en une minute, comme un grand jour qui se fait; les autres la remarquaient d’ailleurs, Toussaint le disait, c’était d’elle évidemment que le passant avait parlé, il n’y avait plus à douter; elle redescendit au jardin, se croyant reine, entendant les oiseaux chanter, c’était en hiver, voyant le ciel doré, le soleil dans les arbres, des fleurs dans les buissons, éperdue, folle, dans un ravissement inexprimable.

 

De son côté, Jean Valjean éprouvait un profond et indéfinissable serrement de cœur.

 

C’est qu’en effet, depuis quelque temps, il contemplait avec terreur cette beauté qui apparaissait chaque jour plus rayonnante sur le doux visage de Cosette. Aube riante pour tous, lugubre pour lui.

 

Cosette avait été belle assez longtemps avant de s’en apercevoir. Mais, du premier jour, cette lumière inattendue qui se levait lentement et enveloppait par degrés toute la personne de la jeune fille blessa la paupière sombre de Jean Valjean. Il sentit que c’était un changement dans une vie heureuse, si heureuse qu’il n’osait y remuer dans la crainte d’y déranger quelque chose. Cet homme qui avait passé par toutes les détresses, qui était encore tout saignant des meurtrissures de sa destinée, qui avait été presque méchant et qui était devenu presque saint, qui, après avoir traîné la chaîne du bagne, traînait maintenant la chaîne invisible, mais pesante, de l’infamie indéfinie, cet homme que la loi n’avait pas lâché et qui pouvait être à chaque instant ressaisi et ramené de l’obscurité de sa vertu au grand jour de l’opprobre public, cet homme acceptait tout, excusait tout, pardonnait tout, bénissait tout, voulait bien tout, et ne demandait à la providence, aux hommes, aux lois, à la société, à la nature, au monde, qu’une chose, que Cosette l’aimât!

 

Que Cosette continuât de l’aimer! que Dieu n’empêchât pas le cœur de cette enfant de venir à lui, et de rester à lui! Aimé de Cosette, il se trouvait guéri, reposé, apaisé, comblé, récompensé, couronné. Aimé de Cosette, il était bien! il n’en demandait pas davantage. On lui eût dit: Veux-tu être mieux? il eût répondu: Non. Dieu lui eût dit: Veux-tu le ciel? il eût répondu: J’y perdrais.

 

Tout ce qui pouvait effleurer cette situation, ne fût-ce qu’à la surface, le faisait frémir comme le commencement d’autre chose. Il n’avait jamais trop su ce que c’était que la beauté d’une femme; mais, par instinct, il comprenait que c’était terrible.

 

Cette beauté qui s’épanouissait de plus en plus triomphante et superbe à côté de lui, sous ses yeux, sur le front ingénu et redoutable de l’enfant, du fond de sa laideur, de sa vieillesse, de sa misère, de sa réprobation, de son accablement, il la regardait effaré.

 

Il se disait: Comme elle est belle! Qu’est-ce que je vais devenir, moi?

 

Là du reste était la différence entre sa tendresse et la tendresse d’une mère. Ce qu’il voyait avec angoisse, une mère l’eût vu avec joie.

 

Les premiers symptômes ne tardèrent pas à se manifester.

 

Dès le lendemain du jour où elle s’était dit: Décidément, je suis belle! Cosette fit attention à sa toilette. Elle se rappela le mot du passant: – Jolie, mais mal mise, – souffle d’oracle qui avait passé à côté d’elle et s’était évanoui après avoir déposé dans son cœur un des deux germes qui doivent plus tard emplir toute la vie de la femme, la coquetterie. L’amour est l’autre.

 

Avec la foi en sa beauté, toute l’âme féminine s’épanouit en elle. Elle eut horreur du mérinos et honte de la peluche. Son père ne lui avait jamais rien refusé. Elle sut tout de suite toute la science du chapeau, de la robe, du mantelet, du brodequin, de la manchette, de l’étoffe qui va, de la couleur qui sied, cette science qui fait de la femme parisienne quelque chose de si charmant, de si profond et de si dangereux. Le mot femme capiteuse a été inventé pour la Parisienne.

 

En moins d’un mois la petite Cosette fut dans cette thébaïde de la rue de Babylone une des femmes, non seulement les plus jolies, ce qui est quelque chose, mais «les mieux mises» de Paris, ce qui est bien davantage. Elle eût voulu rencontrer «son passant» pour voir ce qu’il dirait, et «pour lui apprendre!» Le fait est qu’elle était ravissante de tout point, et qu’elle distinguait à merveille un chapeau de Gérard d’un chapeau d’Herbaut[46].

 

Jean Valjean considérait ces ravages avec anxiété. Lui qui sentait qu’il ne pourrait jamais que ramper, marcher tout au plus, il voyait des ailes venir à Cosette.

 

Du reste, rien qu’à la simple inspection de la toilette de Cosette, une femme eût reconnu qu’elle n’avait pas de mère. Certaines petites bienséances, certaines conventions spéciales, n’étaient point observées par Cosette. Une mère, par exemple, lui eût dit qu’une jeune fille ne s’habille point en damas.

 

Le premier jour que Cosette sortit avec sa robe et son camail de damas noir et son chapeau de crêpe blanc, elle vint prendre le bras de Jean Valjean, gaie, radieuse, rose, fière, éclatante. – Père, dit-elle, comment me trouvez-vous ainsi? Jean Valjean répondit d’une voix qui ressemblait à la voix amère d’un envieux: – Charmante! – Il fut dans la promenade comme à l’ordinaire. En rentrant il demanda à Cosette:

 

– Est-ce que tu ne remettras plus ta robe et ton chapeau, tu sais?

 

Ceci se passait dans la chambre de Cosette. Cosette se tourna vers le porte-manteau de la garde-robe où sa défroque de pensionnaire était accrochée.

 

– Ce déguisement! dit-elle. Père, que voulez-vous que j’en fasse? Oh! par exemple, non, je ne remettrai jamais ces horreurs. Avec ce machin-là sur la tête, j’ai l’air de madame Chien-fou.

 

Jean Valjean soupira profondément.

 

À partir de ce moment, il remarqua que Cosette, qui autrefois demandait toujours à rester, disant: Père, je m’amuse mieux ici avec vous, – demandait maintenant toujours à sortir. En effet, à quoi bon avoir une jolie figure et une délicieuse toilette, si on ne les montre pas?

 

Il remarqua aussi que Cosette n’avait plus le même goût pour l’arrière-cour. À présent, elle se tenait plus volontiers au jardin, se promenant sans déplaisir devant la grille. Jean Valjean, farouche, ne mettait pas les pieds dans le jardin. Il restait dans son arrière-cour, comme le chien.

 

Cosette, à se savoir belle, perdit la grâce de l’ignorer; grâce exquise, car la beauté rehaussée de naïveté est ineffable, et rien n’est adorable comme une innocente éblouissante qui marche tenant en main, sans le savoir, la clef d’un paradis. Mais ce qu’elle perdit en grâce ingénue, elle le regagna en charme pensif et sérieux. Toute sa personne, pénétrée des joies de la jeunesse, de l’innocence et de la beauté, respirait une mélancolie splendide.

 

Ce fut à cette époque que Marius, après six mois écoulés, la revit au Luxembourg.






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