![]() ТОР 5 статей: Методические подходы к анализу финансового состояния предприятия Проблема периодизации русской литературы ХХ века. Краткая характеристика второй половины ХХ века Характеристика шлифовальных кругов и ее маркировка Служебные части речи. Предлог. Союз. Частицы КАТЕГОРИИ:
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Chapitre II Le fond de la questionIl y a l’йmeute, et il y a l’insurrection; ce sont deux colиres; l’une a tort, l’autre a droit. Dans les йtats dйmocratiques, les seuls fondйs en justice, il arrive quelquefois que la fraction usurpe; alors le tout se lиve, et la nйcessaire revendication de son droit peut aller jusqu’а la prise d’armes. Dans toutes les questions qui ressortissent а la souverainetй collective, la guerre du tout contre la fraction est insurrection, l’attaque de la fraction contre le tout est йmeute; selon que les Tuileries contiennent le roi ou contiennent la Convention, elles sont justement ou injustement attaquйes. Le mкme canon braquй contre la foule a tort le 10 aoыt et raison le 14 vendйmiaire[138]. Apparence semblable, fond diffйrent; les Suisses dйfendent le faux, Bonaparte dйfend le vrai. Ce que le suffrage universel a fait dans sa libertй et dans sa souverainetй, ne peut кtre dйfait par la rue. De mкme dans les choses de pure civilisation; l’instinct des masses, hier clairvoyant, peut demain кtre trouble. La mкme furie est lйgitime contre Terray et absurde contre Turgot[139]. Les bris de machines, les pillages d’entrepфts, les ruptures de rails, les dйmolitions de docks, les fausses routes des multitudes, les dйnis de justice du peuple au progrиs, Ramus[140] assassinй par les йcoliers, Rousseau chassй de Suisse а coups de pierre[141], c’est l’йmeute. Israлl contre Moпse, Athиnes contre Phocion, Rome contre Scipion, c’est l’йmeute; Paris contre la Bastille, c’est l’insurrection. Les soldats contre Alexandre, les matelots contre Christophe Colomb, c’est la mкme rйvolte; rйvolte impie; pourquoi? C’est qu’Alexandre fait pour l’Asie avec l’йpйe ce que Christophe Colomb fait pour l’Amйrique avec la boussole; Alexandre, comme Colomb, trouve un monde. Ces dons d’un monde а la civilisation sont de tels accroissements de lumiиre que toute rйsistance, lа, est coupable. Quelquefois le peuple se fausse fidйlitй а lui-mкme. La foule est traоtre au peuple. Est-il, par exemple, rien de plus йtrange que cette longue et sanglante protestation des faux saulniers, lйgitime rйvolte chronique, qui, au moment dйcisif, au jour du salut, а l’heure de la victoire populaire, йpouse le trфne, tourne chouannerie, et d’insurrection contre se fait йmeute pour! Sombres chefs-d’њuvre de l’ignorance! Le faux saulnier йchappe aux potences royales, et, un reste de corde au cou, arbore la cocarde blanche[142]. Mort aux gabelles accouche de Vive le roi. Tueurs de la Saint-Barthйlemy, йgorgeurs de Septembre, massacreurs d’Avignon, assassins de Coligny, assassins de madame de Lamballe, assassins de Brune, miquelets, verdets, cadenettes, compagnons de Jйhu[143], chevaliers du brassard, voilа l’йmeute. La Vendйe est une grande йmeute catholique. Le bruit du droit en mouvement se reconnaоt, il ne sort pas toujours du tremblement des masses bouleversйes; il y a des rages folles, il y a des cloches fкlйes; tous les tocsins ne sonnent pas le son du bronze. Le branle des passions et des ignorances est autre que la secousse du progrиs. Levez-vous, soit, mais pour grandir. Montrez-moi de quel cфtй vous allez. Il n’y a d’insurrection qu’en avant. Toute autre levйe est mauvaise. Tout pas violent en arriиre est йmeute; reculer est une voie de fait contre le genre humain. L’insurrection est l’accиs de fureur de la vйritй; les pavйs que l’insurrection remue jettent l’йtincelle du droit. Ces pavйs ne laissent а l’йmeute que leur boue. Danton contre Louis XVI, c’est l’insurrection; Hйbert contre Danton, c’est l’йmeute.
De lа vient que, si l’insurrection, dans des cas donnйs, peut кtre, comme a dit Lafayette[144], le plus saint des devoirs, l’йmeute peut кtre le plus fatal des attentats.
Il y a aussi quelque diffйrence dans l’intensitй de calorique; l’insurrection est souvent volcan, l’йmeute est souvent feu de paille.
La rйvolte, nous l’avons dit, est quelquefois dans le pouvoir. Polignac est un йmeutier; Camille Desmoulins est un gouvernant.
Parfois, insurrection, c’est rйsurrection.
La solution de tout par le suffrage universel йtant un fait absolument moderne, et toute l’histoire antйrieure а ce fait йtant, depuis quatre mille ans, remplie du droit violй et de la souffrance des peuples, chaque йpoque de l’histoire apporte avec elle la protestation qui lui est possible. Sous les Cйsars, il n’y avait pas d’insurrection, mais il y avait Juvйnal.
Le facit indignatio remplace les Gracques.
Sous les Cйsars il y a l’exilй de Syиne; il y a aussi l’homme des Annales.
Nous ne parlons pas de l’immense exilй de Pathmos[145] qui, lui aussi, accable le monde rйel d’une protestation au nom du monde idйal, fait de la vision une satire йnorme, et jette sur Rome-Ninive, sur Rome-Babylone, sur Rome-Sodome, la flamboyante rйverbйration de l’Apocalypse.
Jean sur son rocher, c’est le sphinx sur son piйdestal; on peut ne pas le comprendre; c’est un juif, et c’est de l’hйbreu; mais l’homme qui йcrit les Annales est un latin; disons mieux, c’est un romain.
Comme les Nйrons rиgnent а la maniиre noire, ils doivent кtre peints de mкme. Le travail au burin tout seul serait pвle; il faut verser dans l’entaille une prose concentrйe qui morde.
Les despotes sont pour quelque chose dans les penseurs. Parole enchaоnйe, c’est parole terrible. L’йcrivain double et triple son style quand le silence est imposй par un maоtre au peuple. Il sort de ce silence une certaine plйnitude mystйrieuse qui filtre et se fige en airain dans la pensйe. La compression dans l’histoire produit la concision dans l’historien. La soliditй granitique de telle prose cйlиbre n’est autre chose qu’un tassement fait par le tyran.
La tyrannie contraint l’йcrivain а des rйtrйcissements de diamиtre qui sont des accroissements de force. La pйriode cicйronienne, а peine suffisante sur Verrиs, s’йmousserait sur Caligula. Moins d’envergure dans la phrase, plus d’intensitй dans le coup. Tacite pense а bras raccourci.
L’honnкtetй d’un grand cњur, condensйe en justice et en vйritй, foudroie.
Soit dit en passant, il est а remarquer que Tacite n’est pas historiquement superposй а Cйsar. Les Tibиres lui sont rйservйs. Cйsar et Tacite sont deux phйnomиnes successifs dont la rencontre semble mystйrieusement йvitйe par celui qui, dans la mise en scиne des siиcles, rиgle les entrйes et les sorties. Cйsar est grand, Tacite est grand; Dieu йpargne ces deux grandeurs en ne les heurtant pas l’une contre l’autre. Le justicier, frappant Cйsar, pourrait frapper trop, et кtre injuste. Dieu ne veut pas. Les grandes guerres d’Afrique et d’Espagne, les pirates de Cilicie dйtruits, la civilisation introduite en Gaule, en Bretagne, en Germanie, toute cette gloire couvre le Rubicon. Il y a lа une sorte de dйlicatesse de la justice divine, hйsitant а lвcher sur l’usurpateur illustre l’historien formidable, faisant а Cйsar grвce de Tacite, et accordant les circonstances attйnuantes au gйnie.
Certes, le despotisme reste le despotisme, mкme sous le despote de gйnie. Il y a corruption sous les tyrans illustres, mais la peste morale est plus hideuse encore sous les tyrans infвmes. Dans Ces rиgnes-lа rien ne voile la honte; et les faiseurs d’exemples, Tacite comme Juvйnal, soufflettent plus utilement, en prйsence du genre humain, cette ignominie sans rйplique.
Rome sent plus mauvais sous Vitellius que sous Sylla. Sous Claude et sous Domitien, il y a une difformitй de bassesse correspondante а la laideur du tyran. La vilenie des esclaves est un produit direct du despote; un miasme s’exhale de ces consciences croupies oщ se reflиte le maоtre; les pouvoirs publics sont immondes; les cњurs sont petits, les consciences sont plates, les вmes sont punaises; cela est ainsi sous Caracalla, cela est ainsi sous Commode, cela est ainsi sous Hйliogabale, tandis qu’il ne sort du sйnat romain sous Cйsar que l’odeur de fiente propre aux aires d’aigle.
De lа la venue, en apparence tardive, des Tacite et des Juvйnal; c’est а l’heure de l’йvidence que le dйmonstrateur paraоt.
Mais Juvйnal et Tacite, de mкme qu’Isaпe aux temps bibliques, de mкme que Dante au moyen вge, c’est l’homme; l’йmeute et l’insurrection, c’est la multitude, qui tantфt a tort, tantфt a raison.
Dans les cas les plus gйnйraux, l’йmeute sort d’un fait matйriel; l’insurrection est toujours un phйnomиne moral. L’йmeute, c’est Masaniello; l’insurrection, c’est Spartacus. L’insurrection confine а l’esprit, l’йmeute а l’estomac. Gaster s’irrite; mais Gaster, certes, n’a pas toujours tort. Dans les questions de famine, l’йmeute, Buzanзais[146], par exemple, a un point de dйpart vrai, pathйtique et juste. Pourtant elle reste йmeute. Pourquoi? c’est qu’ayant raison au fond, elle a eu tort dans la forme. Farouche, quoique ayant droit, violente, quoique forte, elle a frappй au hasard; elle a marchй comme l’йlйphant aveugle, en йcrasant; elle a laissй derriиre elle des cadavres de vieillards, de femmes et d’enfants; elle a versй, sans savoir pourquoi, le sang des inoffensifs et des innocents. Nourrir le peuple est un bon but, le massacrer est un mauvais moyen.
Toutes les protestations armйes, mкme les plus lйgitimes, mкme le 10 aoыt, mкme le 14 juillet, dйbutent par le mкme trouble. Avant que le droit se dйgage, il y a tumulte et йcume. Au commencement l’insurrection est йmeute, de mкme que le fleuve est torrent. Ordinairement elle aboutit а cet ocйan: rйvolution. Quelquefois pourtant, venue de ces hautes montagnes qui dominent l’horizon moral, la justice, la sagesse, la raison, le droit, faite de la plus pure neige de l’idйal, aprиs une longue chute de roche en roche, aprиs avoir reflйtй le ciel dans sa transparence et s’кtre grossie de cent affluents dans la majestueuse allure du triomphe, l’insurrection se perd tout а coup dans quelque fondriиre bourgeoise, comme le Rhin dans un marais.
Tout ceci est du passй, l’avenir est autre. Le suffrage universel a cela d’admirable qu’il dissout l’йmeute dans son principe, et qu’en donnant le vote а l’insurrection, il lui фte l’arme. L’йvanouissement des guerres, de la guerre des rues comme de la guerre des frontiиres, tel est l’inйvitable progrиs. Quel que soit aujourd’hui, la paix, c’est Demain.
Du reste, insurrection, йmeute, en quoi la premiиre diffиre de la seconde, le bourgeois, proprement dit, connaоt peu ces nuances. Pour lui tout est sйdition, rйbellion pure et simple, rйvolte du dogue contre le maоtre, essai de morsure qu’il faut punir de la chaоne et de la niche, aboiement, jappement; jusqu’au jour oщ la tкte du chien, grossie tout а coup, s’йbauche vaguement dans l’ombre en face de lion.
Alors le bourgeois crie: Vive le peuple!
Cette explication donnйe, qu’est-ce pour l’histoire que le mouvement de juin 1832? est-ce une йmeute? est-ce une insurrection?
C’est une insurrection.
Il pourra nous arriver, dans cette mise en scиne d’un йvйnement redoutable, de dire parfois l’йmeute, mais seulement pour qualifier les faits de surface, et en maintenant toujours la distinction entre la forme йmeute et le fond insurrection.
Ce mouvement de 1832 a eu, dans son explosion rapide et dans son extinction lugubre, tant de grandeur que ceux-lа mкmes qui n’y voient qu’une йmeute n’en parlent pas sans respect. Pour eux, c’est comme un reste de 1830. Les imaginations йmues, disent-ils, ne se calment pas en un jour. Une rйvolution ne se coupe pas а pic. Elle a toujours nйcessairement quelques ondulations avant de revenir а l’йtat de paix comme une montagne en redescendant vers la plaine. Il n’y a point d’Alpes sans Jura, ni de Pyrйnйes sans Asturies.
Cette crise pathйtique de l’histoire contemporaine que la mйmoire des Parisiens appelle l’йpoque des йmeutes[147], est а coup sыr une heure caractйristique parmi les heures orageuses de ce siиcle.
Un dernier mot avant d’entrer dans le rйcit.
Les faits qui vont кtre racontйs appartiennent а cette rйalitй dramatique et vivante que l’histoire nйglige quelquefois, faute de temps et d’espace. Lа pourtant, nous y insistons, lа est la vie, la palpitation, le frйmissement humain. Les petits dйtails, nous croyons l’avoir dit, sont, pour ainsi parler, le feuillage des grands йvйnements et se perdent dans les lointains de l’histoire. L’йpoque dite des йmeutes abonde en dйtails de ce genre. Les instructions judiciaires, par d’autres raisons que l’histoire, n’ont pas tout rйvйlй, ni peut-кtre tout approfondi. Nous allons donc mettre en lumiиre, parmi les particularitйs connues et publiйes, des choses qu’on n’a point sues, des faits sur lesquels a passй l’oubli des uns, la mort des autres. La plupart des acteurs de ces scиnes gigantesques ont disparu; dиs le lendemain ils se taisaient; mais ce que nous raconterons, nous pouvons dire: nous l’avons vu. Nous changerons quelques noms, car l’histoire raconte et ne dйnonce pas, mais nous peindrons des choses vraies. Dans les conditions du livre que nous йcrivons, nous ne montrerons qu’un cфtй et qu’un йpisode, et а coup sыr le moins connu, des journйes des 5 et 6 juin 1832; mais nous ferons en sorte que le lecteur entrevoie, sous le sombre voile que nous allons soulever, la figure rйelle de cette effrayante aventure publique.
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