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Ïðîáëåìà ïåðèîäèçàöèè ðóññêîé ëèòåðàòóðû ÕÕ âåêà. Êðàòêàÿ õàðàêòåðèñòèêà âòîðîé ïîëîâèíû ÕÕ âåêà

Öåíîâûå è íåöåíîâûå ôàêòîðû

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Ñëóæåáíûå ÷àñòè ðå÷è. Ïðåäëîã. Ñîþç. ×àñòèöû

ÊÀÒÅÃÎÐÈÈ:






Chapitre IX Emploi de ce vieux talent de braconnier et de ce coup de fusil infaillible qui a influé sur la condamnation 1796




Les avis se croisaient dans la barricade. Le tir de la pièce allait recommencer. On n’en avait pas pour un quart d’heure avec cette mitraille. Il était absolument nécessaire d’amortir les coups.

 

Enjolras jeta ce commandement:

 

– Il faut mettre là un matelas.

 

– On n’en a pas, dit Combeferre, les blessés sont dessus.

 

Jean Valjean, assis à l’écart sur une borne, à l’angle du cabaret, son fusil entre les jambes, n’avait jusqu’à cet instant pris part à rien de ce qui se passait. Il semblait ne pas entendre les combattants dire autour de lui: Voilà un fusil qui ne fait rien.

 

À l’ordre donné par Enjolras, il se leva.

 

On se souvient qu’à l’arrivée du rassemblement rue de la Chanvrerie, une vieille femme, prévoyant les balles, avait mis son matelas devant sa fenêtre. Cette fenêtre, fenêtre de grenier, était sur le toit d’une maison à six étages située un peu en dehors de la barricade. Le matelas, posé en travers, appuyé par le bas sur deux perches à sécher le linge, était soutenu en haut par deux cordes qui, de loin, semblaient deux ficelles et qui se rattachaient à des clous plantés dans les chambranles de la mansarde. On voyait ces deux cordes distinctement sur le ciel comme des cheveux.

 

– Quelqu’un peut-il me prêter une carabine à deux coups? dit Jean Valjean.

 

Enjolras, qui venait de recharger la sienne, la lui tendit.

 

Jean Valjean ajusta la mansarde et tira.

 

Une des deux cordes du matelas était coupée.

 

Le matelas ne pendait plus que par un fil.

 

Jean Valjean lâcha le second coup. La deuxième corde fouetta la vitre de la mansarde. Le matelas glissa entre les deux perches et tomba dans la rue.

 

La barricade applaudit.

 

Toutes les voix crièrent:

 

– Voilà un matelas.

 

– Oui, dit Combeferre, mais qui l’ira chercher?

 

Le matelas en effet était tombé en dehors de la barricade, entre les assiégés et les assiégeants. Or, la mort du sergent de canonniers ayant exaspéré la troupe, les soldats, depuis quelques instants, s’étaient couchés à plat ventre derrière la ligne de pavés qu’ils avaient élevée, et, pour suppléer au silence forcé de la pièce qui se taisait en attendant que son service fût réorganisé, ils avaient ouvert le feu contre la barricade. Les insurgés ne répondaient pas à cette mousqueterie, pour épargner les munitions. La fusillade se brisait à la barricade; mais la rue, qu’elle remplissait de balles, était terrible.

 

Jean Valjean sortit de la coupure, entra dans la rue, traversa l’orage de balles, alla au matelas, le ramassa, le chargea sur son dos, et revint dans la barricade.

 

Lui-même mit le matelas dans la coupure. Il l’y fixa contre le mur de façon que les artilleurs ne le vissent pas.

 

Cela fait, on attendit le coup de mitraille.

 

Il ne tarda pas.

 

Le canon vomit avec un rugissement son paquet de chevrotines. Mais il n’y eut pas de ricochet. La mitraille avorta sur le matelas. L’effet prévu était obtenu. La barricade était préservée.

 

– Citoyen, dit Enjolras à Jean Valjean, la République vous remercie.

 

Bossuet admirait et riait. Il s’écria:

 

– C’est immoral qu’un matelas ait tant de puissance. Triomphe de ce qui plie sur ce qui foudroie. Mais c’est égal, gloire au matelas qui annule un canon!

 

Chapitre X Aurore

En ce moment-là, Cosette se réveillait.

 

Sa chambre était étroite, propre, discrète, avec une longue croisée au levant sur l’arrière-cour de la maison.

 

Cosette ne savait rien de ce qui se passait dans Paris. Elle n’était point là la veille et elle était déjà rentrée dans sa chambre quand Toussaint avait dit: Il paraît qu’il y a du train.

 

Cosette avait dormi peu d’heures, mais bien. Elle avait eu de doux rêves, ce qui tenait peut-être un peu à ce que son petit lit était très blanc. Quelqu’un qui était Marius lui était apparu dans de la lumière. Elle se réveilla avec du soleil dans les yeux, ce qui d’abord lui fit l’effet de la continuation du songe.

 

Sa première pensée sortant de ce rêve fut riante. Cosette se sentit toute rassurée. Elle traversait, comme Jean Valjean quelques heures auparavant, cette réaction de l’âme qui ne veut absolument pas du malheur. Elle se mit à espérer de toutes ses forces sans savoir pourquoi. Puis un serrement de cœur lui vint. – Voilà trois jours qu’elle n’avait vu Marius. Mais elle se dit qu’il devait avoir reçu sa lettre, qu’il savait où elle était, et qu’il avait tant d’esprit, et qu’il trouverait moyen d’arriver jusqu’à elle. – Et cela certainement aujourd’hui, et peut-être ce matin même. – Il faisait grand jour, mais le rayon de lumière était très horizontal, elle pensa qu’il était de très bonne heure; qu’il fallait se lever pourtant; pour recevoir Marius.

 

Elle sentait qu’elle ne pouvait vivre sans Marius, et que par conséquent cela suffisait, et que Marius viendrait. Aucune objection n’était recevable. Tout cela était certain. C’était déjà assez monstrueux d’avoir souffert trois jours. Marius absent trois jours, c’était horrible au bon Dieu. Maintenant, cette cruelle taquinerie d’en haut était une épreuve traversée. Marius allait arriver, et apporterait une bonne nouvelle. Ainsi est faite la jeunesse; elle essuie vite ses yeux; elle trouve la douleur inutile et ne l’accepte pas. La jeunesse est le sourire de l’avenir devant un inconnu qui est lui-même. Il lui est naturel d’être heureuse. Il semble que sa respiration soit faite d’espérance.

 

Du reste, Cosette ne pouvait parvenir à se rappeler ce que Marius lui avait dit au sujet de cette absence qui ne devait durer qu’un jour, et quelle explication il lui en avait donnée. Tout le monde a remarqué avec quelle adresse une monnaie qu’on laisse tomber à terre court se cacher, et quel art elle a de se rendre introuvable. Il y a des pensées qui nous jouent le même tour; elles se blottissent dans un coin de notre cerveau; c’est fini; elles sont perdues; impossible de remettre la mémoire dessus. Cosette se dépitait quelque peu du petit effort inutile que faisait son souvenir. Elle se disait que c’était bien mal à elle et bien coupable d’avoir oublié des paroles prononcées par Marius.

 

Elle sortit du lit et fit les deux ablutions de l’âme et du corps, sa prière et sa toilette.

 

On peut à la rigueur introduire le lecteur dans une chambre nuptiale, non dans une chambre virginale. Le vers l’oserait à peine, la prose ne le doit pas.

 

C’est l’intérieur d’une fleur encore close, c’est une blancheur dans l’ombre, c’est la cellule intime d’un lis fermé qui ne doit pas être regardé par l’homme tant qu’il n’a pas été regardé par le soleil. La femme en bouton est sacrée. Ce lit innocent qui se découvre, cette adorable demi-nudité qui a peur d’elle-même, ce pied blanc qui se réfugie dans une pantoufle, cette gorge qui se voile devant un miroir comme si ce miroir était une prunelle, cette chemise qui se hâte de remonter et de cacher l’épaule pour un meuble qui craque ou pour une voiture qui passe, ces cordons noués, ces agrafes accrochées, ces lacets tirés, ces tressaillements, ces petits frissons de froid et de pudeur, cet effarouchement exquis de tous les mouvements, cette inquiétude presque ailée là où rien n’est à craindre, les phases successives du vêtement aussi charmantes que les nuages de l’aurore, il ne sied point que tout cela soit raconté, et c’est déjà trop de l’indiquer.

 

L’œil de l’homme doit être plus religieux encore devant le lever d’une jeune fille que devant le lever d’une étoile. La possibilité d’atteindre doit tourner en augmentation de respect. Le duvet de la pêche, la cendre de la prune, le cristal radié de la neige, l’aile du papillon poudrée de plumes, sont des choses grossières auprès de cette chasteté qui ne sait pas même qu’elle est chaste. La jeune fille n’est qu’une lueur de rêve et n’est pas encore une statue. Son alcôve est cachée dans la partie sombre de l’idéal. L’indiscret toucher du regard brutalise cette vague pénombre. Ici, contempler, c’est profaner.

 

Nous ne montrerons donc rien de tout ce suave petit remue-ménage du réveil de Cosette.

 

Un conte d’orient dit que la rose avait été faite par Dieu blanche, mais qu’Adam l’ayant regardée au moment où elle s’entrouvrait, elle eut honte et devint rose. Nous sommes de ceux qui se sentent interdits devant les jeunes filles et les fleurs, les trouvant vénérables.

 

Cosette s’habilla bien vite, se peigna, se coiffa, ce qui était fort simple en ce temps-là où les femmes n’enflaient pas leurs boucles et leurs bandeaux avec des coussinets et des tonnelets et ne mettaient point de crinolines dans leurs cheveux. Puis elle ouvrit la fenêtre et promena ses yeux partout autour d’elle, espérant découvrir quelque peu de la rue, un angle de maison, un coin de pavés, et pouvoir guetter là Marius. Mais on ne voyait rien du dehors. L’arrière-cour était enveloppée de murs assez hauts, et n’avait pour échappée que quelques jardins. Cosette déclara ces jardins hideux; pour la première fois de sa vie elle trouva des fleurs laides. Le moindre bout de ruisseau du carrefour eût été bien mieux son affaire. Elle prit le parti de regarder le ciel, comme si elle pensait que Marius pouvait venir aussi de là.

 

Subitement, elle fondit en larmes. Non que ce fût mobilité d’âme; mais, des espérances coupées d’accablement, c’était sa situation. Elle sentit confusément on ne sait quoi d’horrible. Les choses passent dans l’air en effet. Elle se dit qu’elle n’était sûre de rien, que se perdre de vue, c’était se perdre; et l’idée que Marius pourrait bien lui revenir du ciel, lui apparut, non plus charmante, mais lugubre.

 

Puis, tels sont ces nuages, le calme lui revint, et l’espoir, et une sorte de sourire inconscient, mais confiant en Dieu.

 

Tout le monde était encore couché dans la maison. Un silence provincial régnait. Aucun volet n’était poussé. La loge du portier était fermée. Toussaint n’était pas levée, et Cosette pensa tout naturellement que son père dormait. Il fallait qu’elle eût bien souffert, et qu’elle souffrit bien encore, car elle se disait que son père avait été méchant; mais elle comptait sur Marius. L’éclipse d’une telle lumière était décidément impossible. Elle pria. Par instants elle entendait à une certaine distance des espèces de secousses sourdes, et elle disait: C’est singulier qu’on ouvre et qu’on ferme les portes cochères de si bonne heure. C’étaient les coups de canon qui battaient la barricade.

 

Il y avait, à quelques pieds au-dessous de la croisée de Cosette, dans la vieille corniche toute noire du mur, un nid de martinets; l’encorbellement de ce nid faisait un peu saillie au-delà de la corniche si bien que d’en haut on pouvait voir le dedans de ce petit paradis. La mère y était, ouvrant ses ailes en éventail sur sa couvée; le père voletait, s’en allait, puis revenait, rapportant dans son bec de la nourriture et des baisers. Le jour levant dorait cette chose heureuse, la grande loi Multipliez était là souriante et auguste, et ce doux mystère s’épanouissait dans la gloire du matin. Cosette, les cheveux dans le soleil, l’âme dans les chimères, éclairée par l’amour au dedans et par l’aurore au dehors, se pencha comme machinalement, et, sans presque oser s’avouer qu’elle pensait en même temps à Marius, se mit à regarder ces oiseaux, cette famille, ce mâle et cette femelle, cette mère et ces petits, avec le profond trouble qu’un nid donne à une vierge.

 






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