ÒÎÐ 5 ñòàòåé: Ìåòîäè÷åñêèå ïîäõîäû ê àíàëèçó ôèíàíñîâîãî ñîñòîÿíèÿ ïðåäïðèÿòèÿ Ïðîáëåìà ïåðèîäèçàöèè ðóññêîé ëèòåðàòóðû ÕÕ âåêà. Êðàòêàÿ õàðàêòåðèñòèêà âòîðîé ïîëîâèíû ÕÕ âåêà Õàðàêòåðèñòèêà øëèôîâàëüíûõ êðóãîâ è åå ìàðêèðîâêà Ñëóæåáíûå ÷àñòè ðå÷è. Ïðåäëîã. Ñîþç. ×àñòèöû ÊÀÒÅÃÎÐÈÈ:
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Le tour du monde en 80 jours 17 ñòðàíèöàdésappointé, très humilié dans son amour-propre, après avoir si maladroitement suivi une fausse piste autour du monde, et il passa condamnation. Et maintenant quel parti allait prendre Phileas Fogg? Cela était difficile à imaginer. Cependant, il paraît que le flegmatique gentleman en prit un, car le soir même il fit venir le mécanicien et lui dit: «Poussez les feux et faites route jusqu’à complet épuisement du combustible.» Quelques instants après, la cheminée de l’ Henrietta vomissait des torrents de fumée. Le navire continua donc de marcher à toute vapeur; mais ainsi qu’il l’avait annoncé, deux jours plus tard, le 18, le mécanicien fit savoir que le charbon manquerait dans la journée. «Que l’on ne laisse pas baisser les feux, répondit Mr. Fogg. Au contraire. Que l’on charge les soupapes». Ce jour-là, vers midi, après avoir pris hauteur et calculé la position du navire, Phileas Fogg fit venir Passepartout, et il lui donna l’ordre d’aller chercher le capitaine Speedy. C’était comme si on eût commandé à ce brave garçon d’aller déchaîner un tigre, et il descendit dans la dunette, se disant: «Positivement il sera enragé!» En effet, quelques minutes plus tard, au milieu de cris et de jurons, une bombe arrivait sur la dunette. Cette bombe, c’était le capitaine Speedy. Il était évident qu’elle allait éclater. «Où sommes-nous?» telles furent les premières paroles qu’il prononça au milieu des suffocations de la colère, et certes, pour peu que le digne homme eût été apoplectique, il n’en serait jamais revenu. «Où sommes-nous? répéta-t-il, la face congestionnée. — À sept cent soixante-dix milles de Liverpool (300 lieues), répondit Mr. Fogg avec un calme imperturbable. — Pirate! s’écria Andrew Speedy. — Je vous ai fait venir, monsieur... — Écumeur de mer! —...monsieur, reprit Phileas Fogg, pour vous prier de me vendre votre navire. — Non! de par tous les diables, non! — C’est que je vais être obligé de le brûler. — Brûler mon navire! — Oui, du moins dans ses hauts, car nous manquons de combustible. — Brûler mon navire! s’écria le capitaine Speedy, qui ne pouvait même plus prononcer les syllabes. Un navire qui vaut cinquante mille dollars (250,000 fr.). — En voici soixante mille (300,000 fr.)! répondit Phileas Fogg, en offrant au capitaine une liasse de bank-notes. Cela fit un effet prodigieux sur Andrew Speedy. On n’est pas Américain sans que la vue de soixante mille dollars vous cause une certaine émotion. Le capitaine oublia en un instant sa colère, son emprisonnement, tous ses griefs contre son passager. Son navire avait vingt ans. Cela pouvait devenir une affaire d’or!... La bombe ne pouvait déjà plus éclater. Mr. Fogg en avait arraché la mèche. «Et la coque en fer me restera, dit-il d’un ton singulièrement radouci. — La coque en fer et la machine, monsieur. Est-ce conclu? — Conclu.» Et Andrew Speedy, saisissant la liasse de bank-notes, les compta et les fit disparaître dans sa poche. Pendant cette scène, Passepartout était blanc. Quant à Fix, il faillit avoir un coup de sang. Près de vingt mille livres dépensées, et encore ce Fogg qui abandonnait à son vendeur la coque et la machine, c’est-à-dire presque la valeur totale du navire! Il est vrai que la somme volée à la banque s’élevait à cinquante-cinq mille livres! Quand Andrew Speedy eut empoché l’argent: «Monsieur, lui dit Mr. Fogg, que tout ceci ne vous étonne pas. Sachez que je perds vingt mille livres, si je ne suis pas rendu à Londres le 21 décembre, à huit heures quarante-cinq du soir. Or, j’avais manqué le paquebot de New York, et comme vous refusiez de me conduire à Liverpool... — Et j’ai bien fait, par les cinquante mille diables de l’enfer, s’écria Andrew Speedy, puisque j’y gagne au moins quarante mille dollars.» Puis, plus posément: «Savez-vous une chose, ajouta-t-il, capitaine?... — Fogg. — Capitaine Fogg, eh bien, il y a du Yankee en vous». Et après avoir fait à son passager ce qu’il croyait être un compliment, il s’en allait, quand Phileas Fogg lui dit: «Maintenant ce navire m’appartient? — Certes, de la quille à la pomme des mâts, pour tout ce qui est «bois», s’entend! — Bien. Faites démolir les aménagements intérieurs et chauffez avec ces débris.» On juge ce qu’il fallut consommer de ce bois sec pour maintenir la vapeur en suffisante pression. Ce jour-là, la dunette, les rouffles, les cabines, les logements, le faux pont, tout y passa. Le lendemain, 19 décembre, on brûla la mâture, les dromes, les esparres. On abattit les mâts, on les débita à coups de hache. L’équipage y mettait un zèle incroyable. Passepartout, taillant, coupant, sciant, faisait l’ouvrage de dix hommes. C’était une fureur de démolition. Le lendemain, 20, les bastingages, les pavois, les œuvres-mortes, la plus grande partie du pont, furent dévorés. L’ Henrietta n’était plus qu’un bâtiment rasé comme un ponton. Mais, ce jour-là, on avait eu connaissance de la côte d’Irlande et du feu de Fastenet. Toutefois, à dix heures du soir, le navire n’était encore que par le travers de Queenstown. Phileas Fogg n’avait plus que vingt-quatre heures pour atteindre Londres! Or, c’était le temps qu’il fallait à l’ Henrietta pour gagner Liverpool, — même en marchant à toute vapeur. Et la vapeur allait manquer enfin à l’audacieux gentleman! «Monsieur, lui dit alors le capitaine Speedy, qui avait fini par s’intéresser à ses projets, je vous plains vraiment. Tout est contre vous! Nous ne sommes encore que devant Queenstown. — Ah! fit Mr. Fogg, c’est Queenstown, cette ville dont nous apercevons les feux? — Oui. — Pouvons-nous entrer dans le port? — Pas avant trois heures. À pleine mer seulement. — Attendons!» répondit tranquillement Phileas Fogg, sans laisser voir sur son visage que, par une suprême inspiration, il allait tenter de vaincre encore une fois la chance contraire! En effet, Queenstown est un port de la côte d’Irlande dans lequel les transatlantiques qui viennent des États-Unis jettent en passant leur sac aux lettres. Ces lettres sont emportées à Dublin par des express toujours prêts à partir. De Dublin elles arrivent à Liverpool par des steamers de grande vitesse, — devançant ainsi de douze heures les marcheurs les plus rapides des compagnies maritimes. Ces douze heures que gagnait ainsi le courrier d’Amérique, Phileas Fogg prétendait les gagner aussi. Au lieu d’arriver sur l’ Henrietta, le lendemain soir, à Liverpool, il y serait à midi, et, par conséquent, il aurait le temps d’être à Londres avant huit heures quarante-cinq minutes du soir. Vers une heure du matin, l’ Henrietta entrait à haute mer dans le port de Queenstown, et Phileas Fogg, après avoir reçu une vigoureuse poignée de main du capitaine Speedy, le laissait sur la carcasse rasée de son navire, qui valait encore la moitié de ce qu’il l’avait vendue! Les passagers débarquèrent aussitôt. Fix, à ce moment, eut une envie féroce d’arrêter le sieur Fogg. Il ne le fit pas, pourtant! Pourquoi? Quel combat se livrait donc en lui? Était-il revenu sur le compte de Mr. Fogg? Comprenait-il enfin qu’il s’était trompé? Toutefois, Fix n’abandonna pas Mr. Fogg. Avec lui, avec Mrs. Aouda, avec Passepartout, qui ne prenait plus le temps de respirer, il montait dans le train de Queenstown à une heure et demi du matin, arrivait à Dublin au jour naissant, et s’embarquait aussitôt sur un des steamers — vrais fuseaux d’acier, tout en machine — qui, dédaignant de s’élever à la lame, passent invariablement au travers. À midi moins vingt, le 21 décembre, Phileas Fogg débarquait enfin sur le quai de Liverpool. Il n’était plus qu’à six heures de Londres. Mais à ce moment, Fix s’approcha, lui mit la main sur l’épaule, et, exhibant son mandat: «Vous êtes le sieur Phileas Fogg? dit-il. — Oui, monsieur. — Au nom de la reine, je vous arrête!» Chapitre 34 QUI PROCURE A PASSEPARTOUT L’OCCASION DE FAIRE UN JEU DE MOTS ATROCE, MAIS PEUT- ETRE INEDIT. Phileas Fogg était en prison. On l’avait enfermé dans le poste de Custom-house, la douane de Liverpool, et il devait y passer la nuit en attendant son transfèrement à Londres. Au moment de l’arrestation, Passepartout avait voulu se précipiter sur le détective. Des policemen le retinrent. Mrs. Aouda, épouvantée par la brutalité du fait, ne sachant rien, n’y pouvait rien comprendre. Passepartout lui expliqua la situation. Mr. Fogg, cet honnête et courageux gentleman, auquel elle devait la vie, était arrêté comme voleur. La jeune femme protesta contre une telle allégation, son cœur s’indigna, et des pleurs coulèrent de ses yeux, quand elle vit qu’elle ne pouvait rien faire, rien tenter, pour sauver son sauveur. Quant à Fix, il avait arrêté le gentleman parce que son devoir lui commandait de l’arrêter, fût-il coupable ou non. La justice en déciderait. Mais alors une pensée vint à Passepartout, cette pensée terrible qu’il était décidément la cause de tout ce malheur! En effet, pourquoi avait il caché cette aventure à Mr. Fogg? Quand Fix avait révélé et sa qualité d’inspecteur de police et la mission dont il était chargé, pourquoi avait-il pris sur lui de ne point avertir son maître? Celui-ci, prévenu, aurait sans doute donné à Fix des preuves de son innocence; il lui aurait démontré son erreur; en tout cas, il n’eût pas véhiculé à ses frais et à ses trousses ce malencontreux agent, dont le premier soin avait été de l’arrêter, au moment où il mettait le pied sur le sol du Royaume-Uni. En songeant à ses fautes, à ses imprudences, le pauvre garçon était pris d’irrésistibles remords. Il pleurait, il faisait peine à voir. Il voulait se briser la tête! Mrs. Aouda et lui étaient restés, malgré le froid, sous le péristyle de la douane. Ils ne voulaient ni l’un ni l’autre quitter la place. Ils voulaient revoir encore une fois Mr. Fogg. Quant à ce gentleman, il était bien et dûment ruiné, et cela au moment où il allait atteindre son but. Cette arrestation le perdait sans retour. Arrivé à midi moins vingt à Liverpool, le 21 décembre, il avait jusqu’à huit heures quarante-cinq minutes pour se présenter au Reform- Club, soit neuf heures quinze minutes, — et il ne lui en fallait que six pour atteindre Londres. En ce moment, qui eût pénétré dans le poste de la douane eût trouvé Mr. Fogg, immobile, assis sur un banc de bois, sans colère, imperturbable. Résigné, on n’eût pu le dire, mais ce dernier coup n’avait pu l’émouvoir, au moins en apparence. S’était-il formé en lui une de ces rages secrètes, terribles parce qu’elles sont contenues, et qui n’éclatent qu’au dernier moment avec une force irrésistible? On ne sait. Mais Phileas Fogg était là, calme, attendant... quoi? Conservait-il quelque espoir? Croyait-il encore au succès, quand la porte de cette prison était fermée sur lui? Quoi qu’il en soit, Mr. Fogg avait soigneusement posé sa montre sur une table et il en regardait les aiguilles marcher. Pas une parole ne s’échappait de ses lèvres, mais son regard avait une fixité singulière. En tout cas, la situation était terrible, et, pour qui ne pouvait lire dans cette conscience, elle se résumait ainsi: Honnête homme, Phileas Fogg était ruiné. Malhonnête homme, il était pris. Eut-il alors la pensée de se sauver? Songea-t-il à chercher si ce poste présentait une issue praticable? Pensa-t-il à fuir? On serait tenté de le croire, car, à un certain moment, il fit le tour de la chambre. Mais la porte était solidement fermée et la fenêtre garnie de barreaux de fer. Il vint donc se rasseoir, et il tira de son portefeuille l’itinéraire du voyage. Sur la ligne qui portait ces mots: «21 décembre, samedi, Liverpool», il ajouta: «80e jour, 11 h 40 du matin», et il attendit. Une heure sonna à l’horloge de Custom-house. Mr. Fogg constata que sa montre avançait de deux minutes sur cette horloge. Deux heures! En admettant qu’il montât en ce moment dans un express, il pouvait encore arriver à Londres et au Reform-Club avant huit heures quarante-cinq du soir. Son front se plissa légèrement... À deux heures trente-trois minutes, un bruit retentit au-dehors, un vacarme de portes qui s’ouvraient. On entendait la voix de Passepartout, on entendait la voix de Fix. Le regard de Phileas Fogg brilla un instant. La porte du poste s’ouvrit, et il vit Mrs. Aouda, Passepartout, Fix, qui se précipitèrent vers lui. Fix était hors d’haleine, les cheveux en désordre... Il ne pouvait parler! «Monsieur, balbutia-t-il, monsieur... pardon... une ressemblance déplorable... Voleur arrêté depuis trois jours... vous... libre!...» Phileas Fogg était libre! Il alla au détective. Il le regarda bien en face, et, faisant le seul mouvement rapide qu’il eût jamais fait eût qu’il dût jamais faire de sa vie, il ramena ses deux bras en arrière, puis, avec la précision d’un automate, il frappa de ses deux poings le malheureux inspecteur. «Bien tapé!» s’écria Passepartout, qui, se permettant un atroce jeu de mots, bien digne d’un Français, ajouta: «Pardieu voilà ce qu’on peut appeler une belle application de poings d’Angleterre!» Fix, renversé, ne prononça pas un mot. Il n’avait que ce qu’il méritait. Mais aussitôt Mr, Fogg, Mrs. Aouda, Passepartout quittèrent la douane. Ils se jetèrent dans une voiture, et, en quelques minutes, ils arrivèrent à la gare de Liverpool. Phileas Fogg demanda s’il y avait un express prêt à partir pour Londres... Il était deux heures quarante... L’express était parti depuis trente-cinq minutes. Phileas Fogg commanda alors un train spécial. Il y avait plusieurs locomotives de grande vitesse en pression; mais, attendu les exigences du service, le train spécial ne put quitter la gare avant trois heures. À trois heures, Phileas Fogg, après avoir dit quelques mots au mécanicien d’une certaine prime à gagner, filait dans la direction de Londres, en compagnie de la jeune femme et de son fidèle serviteur. Il fallait franchir en cinq heures et demie la distance qui sépare Liverpool de Londres —, chose très faisable, quand la voie est libre sur tout le parcours. Mais il y eut des retards forcés, et, quand le gentleman arriva à la gare, neuf heures moins dix sonnaient à toutes les horloges de Londres. Phileas Fogg, après avoir accompli ce voyage autour du monde, arrivait avec un retard de cinq minutes!... Il avait perdu. Chapitre 35 DANS LEQUEL PASSEPARTOUT NE SE FAIT PAS REPETER DEUX FOIS L’ORDRE QUE SON MAITRE LUI DONNE. Le lendemain, les habitants de Saville-row auraient été bien surpris, si on leur eût affirmé que Mr. Fogg avait réintégré son domicile. Portes et fenêtres, tout était clos. Aucun changement ne s’était produit à l’extérieur. En effet, après avoir quitté la gare, Phileas Fogg avait donné à Passepartout l’ordre d’acheter quelques provisions, et il était rentré dans sa maison. Ce gentleman avait reçu avec son impassibilité habituelle le coup qui le frappait. Ruiné! et par la faute de ce maladroit inspecteur de police! Après avoir marché d’un pas sûr pendant ce long parcours, après avoir renversé mille obstacles, bravé mille dangers, ayant encore trouvé le temps de faire quelque bien sur sa route, échouer au port devant un fait brutal, qu’il ne pouvait prévoir, et contre lequel il était désarmé: cela était terrible! De la somme considérable qu’il avait emportée au départ, il ne lui restait qu’un reliquat insignifiant. Sa fortune ne se composait plus que des vingt mille livres déposées chez Baring frères, et ces vingt mille livres, il les devait à ses collègues du Reform-Club. Après tant de dépenses faites, ce pari gagné ne l’eût pas enrichi sans doute, et il est probable qu’il n’avait pas cherché à s’enrichir — étant de ces hommes qui parient pour l’honneur —, mais ce pari perdu le ruinait totalement. Au surplus, le parti du gentleman était pris. Il savait ce qui lui restait à faire. Une chambre de la maison de Saville-row avait été réservée à Mrs. Aouda. La jeune femme était désespérée. À certaines paroles prononcées par Mr. Fogg, elle avait compris que celui-ci méditait quelque projet funeste. On sait, en effet, à quelles déplorables extrémités se portent quelquefois ces Anglais monomanes sous la pression d’une idée fixe. Aussi Passepartout, sans en avoir l’air, surveillait-il son maître. Mais, tout d’abord, l’honnête garçon était monté dans sa chambre et avait éteint le bec qui brûlait depuis quatre-vingts jours. Il avait trouvé dans la boîte aux lettres une note de la Compagnie du gaz, et il pensa qu’il était plus que temps d’arrêter ces frais dont il était responsable. La nuit se passa. Mr. Fogg s’était couché, mais avait-il dormi? Quant à Mrs. Aouda, elle ne put prendre un seul instant de repos. Passepartout, lui, avait veillé comme un chien à la porte de son maître. Le lendemain, Mr. Fogg le fit venir et lui recommanda, en termes fort brefs, de s’occuper du déjeuner de Mrs. Aouda. Pour lui, il se contenterait d’une tasse de thé et d’une rôtie. Mrs. Aouda voudrait bien l’excuser pour le déjeuner et le dîner, car tout son temps était consacré à mettre ordre à ses affaires. Il ne descendrait pas. Le soir seulement, il demanderait à Mrs. Aouda la permission de l’entretenir pendant quelques instants. Passepartout, ayant communication du programme de la journée, n’avait plus qu’à s’y conformer. Il regardait son maître toujours impassible, et il ne pouvait se décider à quitter sa chambre. Son cœur était gros, sa conscience bourrelée de remords, car il s’accusait plus que jamais de cet irréparable désastre. Oui! s’il eût prévenu Mr. Fogg, s’il lui eût dévoilé les projets de l’agent Fix, Mr. Fogg n’aurait certainement pas traîné l’agent Fix jusqu’à Liverpool, et alors... Passepartout ne put plus y tenir. «Mon maître! monsieur Fogg! s’écria-t-il, maudissez-moi. C’est par ma faute que... — Je n’accuse personne, répondit Phileas Fogg du ton le plus calme. Allez.» Passepartout quitta la chambre et vint trouver la jeune femme, à laquelle il fit connaître les intentions de son maître. «Madame, ajouta-t-il, je ne puis rien par moi-même, rien! Je n’ai aucune influence sur l’esprit de mon maître. Vous, peut-être... — Quelle influence aurais-je, répondit Mrs. Aouda. Mr. Fogg n’en subit aucune! A-t-il jamais compris que ma reconnaissance pour lui était prête à déborder! A-t-il jamais lu dans mon cœur!... Mon ami, il ne faudra pas le quitter, pas un seul instant. Vous dites qu’il a manifesté l’intention de me parler ce soir? — Oui, madame. Il s’agit sans doute de sauvegarder votre situation en Angleterre. — Attendons», répondit la jeune femme, qui demeura toute pensive. Ainsi, pendant cette journée du dimanche, la maison de Saville-row fut comme si elle eût été inhabitée, et, pour la première fois depuis qu’il demeurait dans cette maison, Phileas Fogg n’alla pas à son club, quand onze heures et demie sonnèrent à la tour du Parlement. Et pourquoi ce gentleman se fût-il présenté au Reform-Club? Ses collègues ne l’y attendaient plus. Puisque, la veille au soir, à cette date fatale du samedi 21 décembre, à huit heures quarante-cinq, Phileas Fogg n’avait pas paru dans le salon du Reform-Club, son pari était perdu. Il n’était même pas nécessaire qu’il allât chez son banquier pour y prendre cette somme de vingt mille livres. Ses adversaires avaient entre les mains un chèque signé de lui, et il suffisait d’une simple écriture à passer chez Baring frères, pour que les vingt mille livres fussent portées à leur crédit. Mr. Fogg n’avait donc pas à sortir, et il ne sortit pas. Il demeura dans sa chambre et mit ordre à ses affaires. Passepartout ne cessa de monter et de descendre l’escalier de la maison de Saville-row. Les heures ne marchaient pas pour ce pauvre garçon. Il écoutait à la porte de la chambre de son maître, et, ce faisant, il ne pensait pas commettre la moindre indiscrétion! Il regardait par le trou de la serrure, et il s’imaginait avoir ce droit! Passepartout redoutait à chaque instant quelque catastrophe. Parfois, il songeait à Fix, mais un revirement s’était fait dans son esprit. Il n’en voulait plus à l’inspecteur de police. Fix s’était trompé comme tout le monde à l’égard de Phileas Fogg, et, en le filant, en l’arrêtant, il n’avait fait que son devoir, tandis que lui... Cette pensée l’accablait, et il se tenait pour le dernier des misérables. Quand, enfin, Passepartout se trouvait trop malheureux d’être seul, il frappait à la porte de Mrs. Aouda, il entrait dans sa chambre, il s’asseyait dans un coin sans mot dire, et il regardait la jeune femme toujours pensive. Vers sept heures et demie du soir, Mr. Fogg fit demander à Mrs. Aouda si elle pouvait le recevoir, et quelques instants après, la jeune femme et lui étaient seuls dans cette chambre. Phileas Fogg prit une chaise et s’assit près de la cheminée, en face de Mrs. Aouda. Son visage ne reflétait aucune émotion. Le Fogg du retour était exactement le Fogg du départ. Même calme, même impassibilité. Il resta sans parler pendant cinq minutes. Puis levant les yeux sur Mrs. Aouda: «Madame, dit-il, me pardonnerez-vous de vous avoir amenée en Angleterre? — Moi, monsieur Fogg!... répondit Mrs. Aouda, en comprimant les battements de son cœur. — Veuillez me permettre d’achever, reprit Mr. Fogg. Lorsque j’eus la pensée de vous entraîner loin de cette contrée, devenue si dangereuse pour vous, j’étais riche, et je comptais mettre une partie de ma fortune à votre disposition. Votre existence eût été heureuse et libre. Maintenant, je suis ruiné. — Je le sais, monsieur Fogg, répondit la jeune femme, et je vous demanderai à mon tour: Me pardonnerez-vous de vous avoir suivi, et — qui sait? — d’avoir peut-être, en vous retardant, contribué à votre ruine? — Madame, vous ne pouviez rester dans l’Inde, et votre salut n’était assuré que si vous vous éloigniez assez pour que ces fanatiques ne pussent vous reprendre. — Ainsi, monsieur Fogg, reprit Mrs. Aouda, non content de m’arracher à une mort horrible, vous vous croyiez encore obligé d’assurer ma position à l’étranger? — Oui, madame, répondit Fogg, mais les événements ont tourné contre moi. Cependant, du peu qui me reste, je vous demande la permission de disposer en votre faveur. — Mais, vous, monsieur Fogg, que deviendrez-vous? demanda Mrs. Aouda. — Moi, madame, répondit froidement le gentleman, je n’ai besoin de rien. — Mais comment, monsieur, envisagez-vous donc le sort qui vous attend? — Comme il convient de le faire, répondit Mr. Fogg. — En tout cas, reprit Mrs. Aouda, la misère ne saurait atteindre un homme tel que vous. Vos amis... — Je n’ai point d’amis, madame. — Vos parents... — Je n’ai plus de parents. — Je vous plains alors, monsieur Fogg, car l’isolement est une triste chose. Quoi! pas un cœur pour y verser vos peines. On dit cependant qu’à deux la misère elle-même est supportable encore! — On le dit, madame. — Monsieur Fogg, dit alors Mrs. Aouda, qui se leva et tendit sa main au gentleman, voulez- vous à la fois d’une parente et d’une amie? Voulez-vous de moi pour votre femme?» Mr. Fogg, à cette parole, s’était levé à son tour. Il y avait comme un reflet inaccoutumé dans ses yeux, comme un tremblement sur ses lèvres. Mrs. Aouda le regardait. La sincérité, la droiture, la fermeté et la douceur de ce beau regard d’une noble femme qui ose tout pour sauver celui auquel elle doit tout, l’étonnèrent d’abord, puis le pénétrèrent. Il ferma les yeux un instant, comme pour éviter que ce regard ne s’enfonçât plus avant... Quand il les rouvrit: «Je vous aime! dit-il simplement. Oui, en vérité, par tout ce qu’il y a de plus sacré au monde, je vous aime, et je suis tout à vous! — Ah!...» s’écria Mrs. Aouda, en portant la main à son cœur. Passepartout fut sonné. Il arriva aussitôt. Mr. Fogg tenait encore dans sa main la main de Mrs. Aouda. Passepartout comprit, et sa large face rayonna comme le soleil au zénith des régions tropicales. Mr. Fogg lui demanda s’il ne serait pas trop tard pour aller prévenir le révérend Samuel Íå íàøëè, ÷òî èñêàëè? Âîñïîëüçóéòåñü ïîèñêîì:
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