ÒÎÐ 5 ñòàòåé: Ìåòîäè÷åñêèå ïîäõîäû ê àíàëèçó ôèíàíñîâîãî ñîñòîÿíèÿ ïðåäïðèÿòèÿ Ïðîáëåìà ïåðèîäèçàöèè ðóññêîé ëèòåðàòóðû ÕÕ âåêà. Êðàòêàÿ õàðàêòåðèñòèêà âòîðîé ïîëîâèíû ÕÕ âåêà Õàðàêòåðèñòèêà øëèôîâàëüíûõ êðóãîâ è åå ìàðêèðîâêà Ñëóæåáíûå ÷àñòè ðå÷è. Ïðåäëîã. Ñîþç. ×àñòèöû ÊÀÒÅÃÎÐÈÈ:
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Le tour du monde en 80 jours 6 ñòðàíèöàqu’elle pût échapper. Ce récit ne pouvait qu’enraciner Mr. Fogg et ses compagnons dans leur généreuse résolution. Il fut décidé que le guide dirigerait l’éléphant vers la pagode de Pillaji, dont il se rapprocherait autant que possible. Une demi-heure après, halte fut faite sous un taillis, à cinq cents pas de la pagode, que l’on ne pouvait apercevoir; mais les hurlements des fanatiques se laissaient entendre distinctement. Les moyens de parvenir jusqu’à la victime furent alors discutés. Le guide connaissait cette pagode de Pillaji, dans laquelle il affirmait que la jeune femme était emprisonnée. Pourrait-on y pénétrer par une des portes, quand toute la bande serait plongée dans le sommeil de l’ivresse, ou faudrait-il pratiquer un trou dans une muraille? C’est ce qui ne pourrait être décidé qu’au moment et au lieu mêmes. Mais ce qui ne fit aucun doute, c’est que l’enlèvement devait s’opérer cette nuit même, et non quand, le jour venu, la victime serait conduite au supplice. À cet instant, aucune intervention humaine n’eût pu la sauver. Mr. Fogg et ses compagnons attendirent la nuit. Dès que l’ombre se fit, vers six heures du soir, ils résolurent d’opérer une reconnaissance autour de la pagode. Les derniers cris des fakirs s’éteignaient alors. Suivant leur habitude, ces Indiens devaient être plongés dans l’épaisse ivresse du «hang» — opium liquide, mélangé d’une infusion de chanvre —, et il serait peut-être possible de se glisser entre eux jusqu’au temple. Le Parsi, guidant Mr. Fogg, Sir Francis Cromarty et Passepartout, s’avança sans bruit à travers la forêt. Après dix minutes de reptation sous les ramures, ils arrivèrent au bord d’une petite rivière, et là, à la lueur de torches de fer à la pointe desquelles brûlaient des résines, ils aperçurent un monceau de bois empilé. C’était le bûcher, fait de précieux santal, et déjà imprégné d’une huile parfumée. À sa partie supérieure reposait le corps embaumé du rajah, qui devait être brûlé en même temps que sa veuve. À cent pas de ce bûcher s’élevait la pagode, dont les minarets perçaient dans l’ombre la cime des arbres. «Venez!» dit le guide à voix basse. Et, redoublant de précaution, suivi de ses compagnons, il se glissa silencieusement à travers les grandes herbes. Le silence n’était plus interrompu que par le murmure du vent dans les branches. Bientôt le guide s’arrêta à l’extrémité d’une clairière. Quelques résines éclairaient la place. Le sol était jonché de groupes de dormeurs, appesantis par l’ivresse. On eût dit un champ de bataille couvert de morts. Hommes, femmes, enfants, tout était confondu. Quelques ivrognes râlaient encore çà et là. À l’arrière-plan, entre la masse des arbres, le temple de Pillaji se dressait confusément. Mais au grand désappointement du guide, les gardes des rajahs, éclairés par des torches fuligineuses, veillaient aux portes et se promenaient, le sabre nu. On pouvait supposer qu’à l’intérieur les prêtres veillaient aussi. Le Parsi ne s’avança pas plus loin. Il avait reconnu l’impossibilité de forcer l’entrée du temple, et il ramena ses compagnons en arrière. Phileas Fogg et Sir Francis Cromarty avaient compris comme lui qu’ils ne pouvaient rien tenter de ce côté. Ils s’arrêtèrent et s’entretinrent à voix basse. «Attendons, dit le brigadier général, il n’est que huit heures encore, et il est possible que ces gardes succombent aussi au sommeil. — Cela est possible, en effet», répondit le Parsi. Phileas Fogg et ses compagnons s’étendirent donc au pied d’un arbre et attendirent. Le temps leur parut long! Le guide les quittait parfois et allait observer la lisière du bois. Les gardes du rajah veillaient toujours à la lueur des torches, et une vague lumière filtrait à travers les fenêtres de la pagode. On attendit ainsi jusqu’à minuit. La situation ne changea pas. Même surveillance au-dehors. Il était évident qu’on ne pouvait compter sur l’assoupissement des gardes. L’ivresse du «hang» leur avait été probablement épargnée. Il fallait donc agir autrement et pénétrer par une ouverture pratiquée aux murailles de la pagode. Restait la question de savoir si les prêtres veillaient auprès de leur victime avec autant de soin que les soldats à la porte du temple. Après une dernière conversation, le guide se dit prêt à partir. Mr. Fogg, Sir Francis et Passepartout le suivirent. Ils firent un détour assez long, afin d’atteindre la pagode par son chevet. Vers minuit et demi, ils arrivèrent au pied des murs sans avoir rencontré personne. Aucune surveillance n’avait été établie de ce côté, mais il est vrai de dire que fenêtres et portes manquaient absolument. Là nuit était sombre. La lune, alors dans son dernier quartier, quittait à peine l’horizon, encombré de gros nuages. La hauteur des arbres accroissait encore l’obscurité. Mais il ne suffisait pas d’avoir atteint le pied des murailles, il fallait encore y pratiquer une ouverture. Pour cette opération, Phileas Fogg et ses compagnons n’avaient absolument que leurs couteaux de poche. Très heureusement, les parois du temple se composaient d’un mélange de briques et de bois qui ne pouvait être difficile à percer. La première brique une fois enlevée, les autres viendraient facilement. On se mit à la besogne, en faisant le moins de bruit possible. Le Parsi d’un côté, Passepartout, de l’autre, travaillaient à desceller les briques, de manière à obtenir une ouverture large de deux pieds. Le travail avançait, quand un cri se fit entendre à l’intérieur du temple, et presque aussitôt d’autres cris lui répondirent du dehors. Passepartout et le guide interrompirent leur travail. Les avait-on surpris? L’éveil était-il donné? La plus vulgaire prudence leur commandait de s’éloigner, — ce qu’ils firent en même temps que Phileas Fogg et sir Francis Cromarty. Ils se blottirent de nouveau sous le couvert du bois, attendant que l’alerte, si c’en était une, se fût dissipée, et prêts, dans ce cas, à reprendre leur opération. Mais — contretemps funeste — des gardes se montrèrent au chevet de la pagode, et s’y installèrent de manière à empêcher toute approche. Il serait difficile de décrire le désappointement de ces quatre hommes, arrêtés dans leur œuvre. Maintenant qu’ils ne pouvaient plus parvenir jusqu’à la victime, comment la sauveraient-ils? Sir Francis Cromarty se rongeait les poings. Passepartout était hors de lui, et le guide avait quelque peine à le contenir. L’impassible Fogg attendait sans manifester ses sentiments. «N’avons-nous plus qu’à partir? demanda le brigadier général à voix basse. — Nous n’avons plus qu’à partir, répondit le guide. — Attendez, dit Fogg. Il suffit que je sois demain à Allahabad avant midi. — Mais qu’espérez-vous? répondit Sir Francis Cromarty. Dans quelques heures le jour va paraître, et... — La chance qui nous échappe peut se représenter au moment suprême.» Le brigadier général aurait voulu pouvoir lire dans les yeux de Phileas Fogg. Sur quoi comptait donc ce froid Anglais? Voulait-il, au moment du supplice, se précipiter vers la jeune femme et l’arracher ouvertement à ses bourreaux? C’eût été une folie, et comment admettre que cet homme fût fou à ce point? Néanmoins, Sir Francis Cromarty consentit à attendre jusqu’au dénouement de cette terrible scène. Toutefois, le guide ne laissa pas ses compagnons à l’endroit où ils s’étaient réfugiés, et il les ramena vers la partie antérieure de la clairière. Là, abrités par un bouquet d’arbres, ils pouvaient observer les groupes endormis. Cependant Passepartout, juché sur les premières branches d’un arbre, ruminait une idée qui avait d’abord traversé son esprit comme un éclair, et qui finit par s’incruster dans son cerveau. Il avait commencé par se dire: «Quelle folie!» et maintenant il répétait: «Pourquoi pas, après tout? C’est une chance, peut-être la seule, et avec de tels abrutis!...» En tout cas, Passepartout ne formula pas autrement sa pensée, mais il ne tarda pas à se glisser avec la souplesse d’un serpent sur les basses branches de l’arbre dont l’extrémité se courbait vers le sol. Les heures s’écoulaient, et bientôt quelques nuances moins sombres annoncèrent l’approche du jour. Cependant l’obscurité était profonde encore. C’était le moment. Il se fit comme une résurrection dans cette foule assoupie. Les groupes s’animèrent. Des coups de tam-tam retentirent. Chants et cris éclatèrent de nouveau. L’heure était venue à laquelle l’infortunée allait mourir. En effet, les portes de la pagode s’ouvrirent. Une lumière plus vive s’échappa de l’intérieur. Mr. Fogg et Sir Francis Cromarty purent apercevoir la victime, vivement éclairée, que deux prêtres traînaient au-dehors. Il leur sembla même que, secouant l’engourdissement de l’ivresse par un suprême instinct de conservation, la malheureuse tentait d’échapper à ses bourreaux. Le cœur de Sir Francis Cromarty bondit, et par un mouvement convulsif, saisissant la main de Phileas Fogg, il sentit que cette main tenait un couteau ouvert. En ce moment, la foule s’ébranla. La jeune femme était retombée dans cette torpeur provoquée par les fumées du chanvre. Elle passa à travers les fakirs, qui l’escortaient de leurs vociférations religieuses. Phileas Fogg et ses compagnons, se mêlant aux derniers rangs de la foule, la suivirent. Deux minutes après, ils arrivaient sur le bord de la rivière et s’arrêtaient à moins de cinquante pas du bûcher, sur lequel était couché le corps du rajah. Dans la demi-obscurité, ils virent la victime absolument inerte, étendue auprès du cadavre de son époux. Puis une torche fut approchée et le bois imprégné d’huile, s’enflamma aussitôt. À ce moment, Sir Francis Cromarty et le guide retinrent Phileas Fogg, qui dans un moment de folie généreuse, s’élançait vers le bûcher... Mais Phileas Fogg les avait déjà repoussés, quand la scène changea soudain. Un cri de terreur s’éleva. Toute cette foule se précipita à terre, épouvantée. Le vieux rajah n’était donc pas mort, qu’on le vît se redresser tout à coup, comme un fantôme, soulever la jeune femme dans ses bras, descendre du bûcher au milieu des tourbillons de vapeurs qui lui donnaient une apparence spectrale? Les fakirs, les gardes, les prêtres, pris d’une terreur subite, étaient là, face à terre, n’osant lever les yeux et regarder un tel prodige! La victime inanimée passa entre les bras vigoureux qui la portaient, et sans qu’elle parût leur peser. Mr. Fogg et Sir Francis Cromarty étaient demeurés debout. Le Parsi avait courbé la tête, et Passepartout, sans doute, n’était pas moins stupéfié!... Ce ressuscité arriva ainsi près de l’endroit où se tenaient Mr. Fogg et Sir Francis Cromarty, et là, d’une voix brève: «Filons!...» dit-il. C’était Passepartout lui-même qui s’était glissé vers le bûcher au milieu de la fumée épaisse! C’était Passepartout qui, profitant de l’obscurité profonde encore, avait arraché la jeune femme à la mort! C’était Passepartout qui, jouant son rôle avec un audacieux bonheur, passait au milieu de l’épouvante générale! Un instant après, tous quatre disparaissaient dans le bois, et l’éléphant les emportait d’un trot rapide. Mais des cris, des clameurs et même une balle, perçant le chapeau de Phileas Fogg, leur apprirent que la ruse était découverte. En effet, sur le bûcher enflammé se détachait alors le corps du vieux rajah. Les prêtres, revenus de leur frayeur, avaient compris qu’un enlèvement venait de s’accomplir. Aussitôt ils s’étaient précipités dans la forêt. Les gardes les avaient suivis. Une décharge avait eu lieu, mais les ravisseurs fuyaient rapidement, et, en quelques instants, ils se trouvaient hors de la portée des balles et des flèches. Chapitre 14 DANS LEQUEL PHILEAS FOGG DESCEND TOUTE L’ADMIRABLE VALLEE DU GANGE SANS MEME SONGER A LA VOIR. Le hardi enlèvement avait réussi. Une heure après, Passepartout riait encore de son succès. Sir Francis Cromarty avait serré la main de l’intrépide garçon. Son maître lui avait dit: «Bien», ce qui, dans la bouche de ce gentleman, équivalait à une haute approbation. À quoi Passepartout avait répondu que tout l’honneur de l’affaire appartenait à son maître. Pour lui, il n’avait eu qu’une idée «drôle», et il riait en songeant que, pendant quelques instants, lui, Passepartout, ancien gymnaste, ex-sergent de pompiers, avait été le veuf d’une charmante femme, un vieux rajah embaumé! Quant à la jeune Indienne, elle n’avait pas eu conscience de ce qui s’était passé. Enveloppée dans les couvertures de voyage, elle reposait sur l’un des cacolets. Cependant l’éléphant, guidé avec une extrême sûreté par le Parsi, courait rapidement dans la forêt encore obscure. Une heure après avoir quitté la pagode de Pillaji, il se lançait à travers une immense plaine. À sept heures, on fit halte. La jeune femme était toujours dans une prostration complète. Le guide lui fit boire quelques gorgées d’eau et de brandy, mais cette influence stupéfiante qui l’accablait devait se prolonger quelque temps encore. Sir Francis Cromarty, qui connaissait les effets de l’ivresse produite par l’inhalation des vapeurs du chanvre, n’avait aucune inquiétude sur son compte. Mais si le rétablissement de la jeune Indienne ne fit pas question dans l’esprit du brigadier général, celui-ci se montrait moins rassuré pour l’avenir. Il n’hésita pas à dire à Phileas Fogg que si Mrs. Aouda restait dans l’Inde, elle retomberait inévitablement entre les mains de ses bourreaux. Ces énergumènes se tenaient dans toute la péninsule, et certainement, malgré la police anglaise, ils sauraient reprendre leur victime, fût-ce à Madras, à Bombay, à Calcutta. Et Sir Francis Cromarty citait, à l’appui de ce dire, un fait de même nature qui s’était passé récemment. À son avis, la jeune femme ne serait véritablement en sûreté qu’après avoir quitté l’Inde. Phileas Fogg répondit qu’il tiendrait compte de ces observations et qu’il aviserait. Vers dix heures, le guide annonçait la station d’Allahabad. Là reprenait la voie interrompue du chemin de fer, dont les trains franchissent, en moins d’un jour et d’une nuit, la distance qui sépare Allahabad de Calcutta. Phileas Fogg devait donc arriver à temps pour prendre un paquebot qui ne partait que le lendemain seulement, 25 octobre, à midi, pour Hong-Kong. La jeune femme fut déposée dans une chambre de la gare. Passepartout fut chargé d’aller acheter pour elle divers objets de toilette, robe, châle, fourrures, etc., ce qu’il trouverait. Son maître lui ouvrait un crédit illimité. Passepartout partit aussitôt et courut les rues de la ville. Allahabad, c’est la cité de Dieu, l’une des plus vénérées de l’Inde, en raison de ce qu’elle est bâtie au confluent de deux fleuves sacrés, le Gange et la Jumna, dont les eaux attirent les pèlerins de toute la péninsule. On sait d’ailleurs que, suivant les légendes du Ramayana, le Gange prend sa source dans le ciel, d’où, grâce à Brahma, il descend sur la terre. Tout en faisant ses emplettes, Passepartout eut bientôt vu la ville, autrefois défendue par un fort magnifique qui est devenu une prison d’État. Plus de commerce, plus d’industrie dans cette cité, jadis industrielle et commerçante. Passepartout, qui cherchait vainement un magasin de nouveautés, comme s’il eût été dans Regent-street à quelques pas de Farmer et Co., ne trouva que chez un revendeur, vieux juif difficultueux, les objets dont il avait besoin, une robe en étoffe écossaise, un vaste manteau, et une magnifique pelisse en peau de loutre qu’il n’hésita pas à payer soixante-quinze livres (1 875 F). Puis, tout triomphant, il retourna à la gare. Mrs. Aouda commençait à revenir à elle. Cette influence à laquelle les prêtres de Pillaji l’avaient soumise se dissipait peu à peu, et ses beaux yeux reprenaient toute leur douceur indienne. Lorsque le roi-poète, Uçaf Uddaul, célèbre les charmes de la reine d’Ahméhnagara, il s’exprime ainsi: «Sa luisante chevelure, régulièrement divisée en deux parts, encadre les contours harmonieux de ses joues délicates et blanches, brillantes de poli et de fraîcheur. Ses sourcils d’ébène ont la forme et la puissance de l’arc de Kama, dieu d’amour, et sous ses longs cils soyeux, dans la pupille noire de ses grands yeux limpides, nagent comme dans les lacs sacrés de l’Himalaya les reflets les plus purs de la lumière céleste. Fines, égales et blanches, ses dents resplendissent entre ses lèvres souriantes, comme des gouttes de rosée dans le sein mi-clos d’une fleur de grenadier. Ses oreilles mignonnes aux courbes symétriques, ses mains vermeilles, ses petits pieds bombés et tendres comme les bourgeons du lotus, brillent de l’éclat des plus belles perles de Ceylan, des plus beaux diamants de Golconde. Sa mince et souple ceinture, qu’une main suffit à enserrer, rehausse l’élégante cambrure de ses reins arrondis et la richesse de son buste où la jeunesse en fleur étale ses plus parfaits trésors, et, sous les plis soyeux de sa tunique, elle semble avoir été modelée en argent pur de la main divine de Vicvacarma, l’éternel statuaire.» Mais, sans toute cette amplification, il suffit de dire que Mrs. Aouda, la veuve du rajah du Bundelkund, était une charmante femme dans toute l’acception européenne du mot. Elle parlait l’anglais avec une grande pureté, et le guide n’avait point exagéré en affirmant que cette jeune Parsie avait été transformée par l’éducation. Cependant le train allait quitter la station d’Allahabad. Le Parsi attendait. Mr. Fogg lui régla son salaire au prix convenu, sans le dépasser d’un farthing. Ceci étonna un peu Passepartout, qui savait tout ce que son maître devait au dévouement du guide. Le Parsi avait, en effet, risqué volontairement sa vie dans l’affaire de Pillaji, et si, plus tard, les Indous l’apprenaient, il échapperait difficilement à leur vengeance. Restait aussi la question de Kiouni. Que ferait-on d’un éléphant acheté si cher? Mais Phileas Fogg avait déjà pris une résolution à cet égard. «Parsi, dit-il au guide, tu as été serviable et dévoué. J’ai payé ton service, mais non ton dévouement. Veux-tu cet éléphant? Il est à toi.» Les yeux du guide brillèrent. «C’est une fortune que Votre Honneur me donne! s’écria-t-il. — Accepte, guide, répondit Mr. Fogg, et c’est moi qui serai encore ton débiteur. — À la bonne heure! s’écria Passepartout. Prends, ami! Kiouni est un brave et courageux animal!» Et, allant à la bête, il lui présenta quelques morceaux de sucre, disant: «Tiens, Kiouni, tiens, tiens!» L’éléphant fit entendre quelques grognement de satisfaction. Puis, prenant Passepartout par la ceinture et l’enroulant de sa trompe, il l’enleva jusqu’à la hauteur de sa tête. Passepartout, nullement effrayé, fit une bonne caresse à l’animal, qui le replaça doucement à terre, et, à la poignée de trompe de l’honnête Kiouni, répondit une vigoureuse poignée de main de l’honnête garçon. Quelques instants après, Phileas Fogg, Sir Francis Cromarty et Passepartout, installés dans un confortable wagon dont Mrs. Aouda occupait la meilleure place, couraient à toute vapeur vers Bénarès. Quatre-vingts milles au plus séparent cette ville d’Allahabad, et ils furent franchis en deux heures. Pendant ce trajet, la jeune femme revint complètement à elle; les vapeurs assoupissantes du hang se dissipèrent. Quel fut son étonnement de se trouver sur le railway, dans ce compartiment, recouverte de vêtements européens, au milieu de voyageurs qui lui étaient absolument inconnus! Tout d’abord, ses compagnons lui prodiguèrent leurs soins et la ranimèrent avec quelques gouttes de liqueur; puis le brigadier général lui raconta son histoire. Il insista sur le dévouement de Phileas Fogg, qui n’avait pas hésité à jouer sa vie pour la sauver, et sur le dénouement de l’aventure, dû à l’audacieuse imagination de Passepartout. Mr. Fogg laissa dire sans prononcer une parole. Passepartout, tout honteux, répétait que «ça n’en valait pas la peine»! Mrs. Aouda remercia ses sauveurs avec effusion, par ses larmes plus que par ses paroles. Ses beaux yeux, mieux que ses lèvres, furent les interprètes de sa reconnaissance. Puis, sa pensée la reportant aux scènes du sutty, ses regards revoyant cette terre indienne où tant de dangers l’attendaient encore, elle fut prise d’un frisson de terreur. Phileas Fogg comprit ce qui se passait dans l’esprit de Mrs. Aouda, et, pour la rassurer, il lui offrit, très froidement d’ailleurs, de la conduire à Hong-Kong, où elle demeurerait jusqu’à ce que cette affaire fût assoupie. Mrs. Aouda accepta l’offre avec reconnaissance. Précisément, à Hong-Kong, résidait un de ses parents, Parsi comme elle, et l’un des principaux négociants de cette ville, qui est absolument anglaise, tout en occupant un point de la côte chinoise. À midi et demi, le train s’arrêtait à la station de Bénarès. Les légendes brahmaniques affirment que cette ville occupe l’emplacement de l’ancienne Casi, qui était autrefois suspendue dans l’espace, entre le zénith et le nadir, comme la tombe de Mahomet. Mais, à cette époque plus réaliste, Bénarès, Athènes de l’Inde au dire des orientalistes, reposait tout prosaïquement sur le sol, et Passepartout put un instant entrevoir ses maisons de briques, ses huttes en clayonnage, qui lui donnaient un aspect absolument désolé, sans aucune couleur locale. C’était là que devait s’arrêter Sir Francis Cromarty. Les troupes qu’il rejoignait campaient à quelques milles au nord de la ville. Le brigadier général fit donc ses adieux à Phileas Fogg, lui souhaitant tout le succès possible, et exprimant le vœu qu’il recommençât ce voyage d’une façon moins originale, mais plus profitable. Mr. Fogg pressa légèrement les doigts de son compagnon. Les compliments de Mrs. Aouda furent plus affectueux. Jamais elle n’oublierait ce qu’elle devait à Sir Francis Cromarty. Quant à Passepartout, il fut honoré d’une vraie poignée de main de la part du brigadier général. Tout ému, il se demanda où et quand il pourrait bien se dévouer pour lui. Puis on se sépara. À partir de Bénarès, la voie ferrée suivait en partie la vallée du Gange. À travers les vitres du wagon, par un temps assez clair, apparaissait le paysage varié du Béhar, puis des montagnes couvertes de verdure, les champs d’orge, de maïs et de froment, des rios et des étangs peuplés d’alligators verdâtres, des villages bien entretenus, des forêts encore verdoyantes. Quelques éléphants, des zébus à grosse bosse venaient se baigner dans les eaux du fleuve sacré, et aussi, malgré la saison avancée et la température déjà froide, des bandes d’Indous des deux sexes, qui accomplissaient pieusement leurs saintes ablutions. Ces fidèles, ennemis acharnés du bouddhisme, sont sectateurs fervents de la religion brahmanique, qui s’incarne en ces trois personnes: Whisnou, la divinité solaire, Shiva, la personnification divine des forces naturelles, et Brahma, le maître suprême des prêtres et des législateurs. Mais de quel œil Brahma, Shiva et Whisnou devaient-ils considérer cette Inde, maintenant «britannisée», lorsque quelque steam-boat passait en hennissant et troublait les eaux consacrées du Gange, effarouchant les mouettes qui volaient à sa surface, les tortues qui pullulaient sur ses bords, et les dévots étendus au long de ses rives! Tout ce panorama défila comme un éclair, et souvent un nuage de vapeur blanche en cacha les détails. À peine les voyageurs purent-ils entrevoir le fort de Chunar, à vingt milles au sud-est de Bénarès, ancienne forteresse des rajahs du Béhar, Ghazepour et ses importantes fabriques Íå íàøëè, ÷òî èñêàëè? Âîñïîëüçóéòåñü ïîèñêîì:
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