ÒÎÐ 5 ñòàòåé: Ìåòîäè÷åñêèå ïîäõîäû ê àíàëèçó ôèíàíñîâîãî ñîñòîÿíèÿ ïðåäïðèÿòèÿ Ïðîáëåìà ïåðèîäèçàöèè ðóññêîé ëèòåðàòóðû ÕÕ âåêà. Êðàòêàÿ õàðàêòåðèñòèêà âòîðîé ïîëîâèíû ÕÕ âåêà Õàðàêòåðèñòèêà øëèôîâàëüíûõ êðóãîâ è åå ìàðêèðîâêà Ñëóæåáíûå ÷àñòè ðå÷è. Ïðåäëîã. Ñîþç. ×àñòèöû ÊÀÒÅÃÎÐÈÈ:
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Le tour du monde en 80 jours 7 ñòðàíèöàd’eau de rose, le tombeau de Lord Cornwallis qui s’élève sur la rive gauche du Gange, la ville fortifiée de Buxar, Patna, grande cité industrielle et commerçante, où se tient le principal marché d’opium de l’Inde, Monghir, ville plus qu’européenne, anglaise comme Manchester ou Birmingham, renommée pour ses fonderies de fer, ses fabriques de taillanderie et d’armes blanches, et dont les hautes cheminées encrassaient d’une fumée noire le ciel de Brahma, — un véritable coup de poing dans le pays du rêve! Puis la nuit vint et, au milieu des hurlements des tigres, des ours, des loups qui fuyaient devant la locomotive, le train passa à toute vitesse, et on n’aperçut plus rien des merveilles du Bengale, ni Golgonde, ni Gour en ruine, ni Mourshedabad, qui fut autrefois capitale, ni Burdwan, ni Hougly, ni Chandernagor, ce point français du territoire indien sur lequel Passepartout eût été fier de voir flotter le drapeau de sa patrie! Enfin, à sept heures du matin, Calcutta était atteint. Le paquebot, en partance pour Hong- Kong, ne levait l’ancre qu’à midi. Phileas Fogg avait donc cinq heures devant lui. D’après son itinéraire, ce gentleman devait arriver dans la capitale des Indes le 25 octobre, vingt-trois jours après avoir quitté Londres, et il y arrivait au jour fixé. Il n’avait donc ni retard ni avance. Malheureusement, les deux jours gagnés par lui entre Londres et Bombay avaient été perdus, on sait comment, dans cette traversée de la péninsule indienne, — mais il est à supposer que Phileas Fogg ne les regrettait pas. Chapitre 15 OU LE SAC AUX BANK-NOTES S’ALLEGE ENCORE DE QUELQUES MILLIERS DE LIVRES. Le train s’était arrêté en gare. Passepartout descendit le premier du wagon, et fut suivi de Mr. Fogg, qui aida sa jeune compagne à mettre pied sur le quai. Phileas Fogg comptait se rendre directement au paquebot de Hong-Kong, afin d’y installer confortablement Mrs. Aouda, qu’il ne voulait pas quitter, tant qu’elle serait en ce pays si dangereux pour elle. Au moment où Mr. Fogg allait sortir de la gare, un policeman s’approcha de lui et dit: «Monsieur Phileas Fogg? — C’est moi. — Cet homme est votre domestique? ajouta le policeman en désignant Passepartout. — Oui. — Veuillez me suivre tous les deux.» Mr. Fogg ne fit pas un mouvement qui pût marquer en lui une surprise quelconque. Cet agent était un représentant de la loi, et, pour tout Anglais, la loi est sacrée. Passepartout, avec ses habitudes françaises, voulut raisonner, mais le policeman le toucha de sa baguette, et Phileas Fogg lui fit signe d’obéir. «Cette jeune dame peut nous accompagner? demanda Mr. Fogg. — Elle le peut», répondit le policeman. Le policeman conduisit Mr. Fogg, Mrs. Aouda et Passepartout vers un palki-ghari, sorte de voiture à quatre roues et à quatre places, attelée de deux chevaux. On partit. Personne ne parla pendant le trajet, qui dura vingt minutes environ. La voiture traversa d’abord la «ville noire», aux rues étroites, bordées de cahutes dans lesquelles grouillait une population cosmopolite, sale et déguenillée; puis elle passa à travers la ville européenne, égayée de maisons de briques, ombragée de cocotiers, hérissée de mâtures, que parcouraient déjà, malgré l’heure matinale, des cavaliers élégants et de magnifiques attelages. Le palki-ghari s’arrêta devant une habitation d’apparence simple, mais qui ne devait pas être affectée aux usages domestiques. Le policeman fit descendre ses prisonniers — on pouvait vraiment leur donner ce nom —, et il les conduisit dans une chambre aux fenêtres grillées, en leur disant: «C’est à huit heures et demie que vous comparaîtrez devant le juge Obadiah.» Puis il se retira et ferma la porte. «Allons! nous sommes pris!» s’écria Passepartout, en se laissant aller sur une chaise. Mrs. Aouda, s’adressant aussitôt à Mr. Fogg, lui dit d’une voix dont elle cherchait en vain à déguiser l’émotion: «Monsieur, il faut m’abandonner! C’est pour moi que vous êtes poursuivi! C’est pour m’avoir sauvée!» Phileas Fogg se contenta de répondre que cela n’était pas possible. Poursuivi pour cette affaire du sutty! Inadmissible! Comment les plaignants oseraient-ils se présenter? Il y avait méprise. Mr. Fogg ajouta que, dans tous les cas, il n’abandonnerait pas la jeune femme, et qu’il la conduirait à Hong-Kong. «Mais le bateau part à midi! fit observer Passepartout. — Avant midi nous serons à bord», répondit simplement l’impassible gentleman. Cela fut affirmé si nettement, que Passepartout ne put s’empêcher de se dire à lui-même: «Parbleu! cela est certain! avant midi nous serons à bord!» Mais il n’était pas rassuré du tout. À huit heures et demie, la porte de la chambre s’ouvrit. Le policeman reparut, et il introduisit les prisonniers dans la salle voisine. C’était une salle d’audience, et un public assez nombreux, composé d’Européens et d’indigènes, en occupait déjà le prétoire. Mr. Fogg, Mrs. Aouda et Passepartout s’assirent sur un banc en face des sièges réservés au magistrat et au greffier. Ce magistrat, le juge Obadiah, entra presque aussitôt, suivi du greffier. C’était un gros homme tout rond. Il décrocha une perruque pendue à un clou et s’en coiffa lestement. «La première cause», dit-il. Mais, portant la main à sa tête: «Hé! ce n’est pas ma perruque! — En effet, monsieur Obadiah, c’est la mienne, répondit le greffier. — Cher monsieur Oysterpuf, comment voulez-vous qu’un juge puisse rendre une bonne sentence avec la perruque d’un greffier!» L’échange des perruques fut fait. Pendant ces préliminaires, Passepartout bouillait d’impatience, car l’aiguille lui paraissait marcher terriblement vite sur le cadran de la grosse horloge du prétoire. «La première cause, reprit alors le juge Obadiah. — Phileas Fogg? dit le greffier Oysterpuf. — Me voici, répondit Mr. Fogg. — Passepartout? — Présent! répondit Passepartout. — Bien! dit le juge Obadiah. Voilà deux jours, accusés, que l’on vous guette à tous les trains de Bombay. — Mais de quoi nous accuse-t-on? s’écria Passepartout, impatienté. — Vous allez le savoir, répondit le juge. — Monsieur, dit alors Mr. Fogg, je suis citoyen anglais, et j’ai droit... — Vous a-t-on manqué d’égards? demanda Mr. Obadiah. — Aucunement. — Bien! faites entrer les plaignants.» Sur l’ordre du juge, une porte s’ouvrit, et trois prêtres indous furent introduits par un huissier. «C’est bien cela! murmura Passepartout, ce sont ces coquins qui voulaient brûler notre jeune dame!» Les prêtres se tinrent debout devant le juge, et le greffier lut à haute voix une plainte en sacrilège, formulée contre le sieur Phileas Fogg et son domestique, accusés d’avoir violé un lieu consacré par la religion brahmanique. «Vous avez entendu? demanda le juge à Phileas Fogg. — Oui, monsieur, répondit Mr. Fogg en consultant sa montre, et j’avoue. — Ah! vous avouez?... — J’avoue et j’attends que ces trois prêtres avouent à leur tour ce qu’ils voulaient faire à la pagode de Pillaji.» Les prêtres se regardèrent. Ils semblaient ne rien comprendre aux paroles de l’accusé. «Sans doute! s’écria impétueusement Passepartout, à cette pagode de Pillaji, devant laquelle ils allaient brûler leur victime!» Nouvelle stupéfaction des prêtres, et profond étonnement du juge Obadiah. «Quelle victime? demanda-t-il. Brûler qui! En pleine ville de Bombay? — Bombay? s’écria Passepartout. — Sans doute. Il ne s’agit pas de la pagode de Pillaji, mais de la pagode de Malebar-Hill, à Bombay. — Et comme pièce de conviction, voici les souliers du profanateur, ajouta le greffier, en posant une paire de chaussures sur son bureau. — Mes souliers!» s’écria Passepartout, qui, surpris au dernier chef, ne put retenir cette involontaire exclamation. On devine la confusion qui s’était opérée dans l’esprit du maître et du domestique. Cet incident de la pagode de Bombay, ils l’avaient oublié, et c’était celui-là même qui les amenait devant le magistrat de Calcutta. En effet, l’agent Fix avait compris tout le parti qu’il pouvait tirer de cette malencontreuse affaire. Retardant son départ de douze heures, il s’était fait le conseil des prêtres de Malebar-Hill; il leur avait promis des dommages-intérêts considérables, sachant bien que le gouvernement anglais se montrait très sévère pour ce genre de délit; puis, par le train suivant, il les avait lancés sur les traces du sacrilège. Mais, par suite du temps employé à la délivrance de la jeune veuve, Fix et les Indous arrivèrent à Calcutta avant Phileas Fogg et son domestique, que les magistrats, prévenus par dépêche, devaient arrêter à leur descente du train. Que l’on juge du désappointement de Fix, quand il apprit que Phileas Fogg n’était point encore arrivé dans la capitale de l’Inde. Il dut croire que son voleur, s’arrêtant à une des stations du Peninsular-railway, s’était réfugié dans les provinces septentrionales. Pendant vingt-quatre heures, au milieu de mortelles inquiétudes, Fix le guetta à la gare. Quelle fut donc sa joie quand, ce matin même, il le vit descendre du wagon, en compagnie, il est vrai, d’une jeune femme dont il ne pouvait s’expliquer la présence. Aussitôt il lança sur lui un policeman, et voilà comment Mr. Fogg, Passepartout et la veuve du rajah du Bundelkund furent conduits devant le juge Obadiah. Et si Passepartout eût été moins préoccupé de son affaire, il aurait aperçu, dans un coin du prétoire, le détective, qui suivait le débat avec un intérêt facile à comprendre, — car à Calcutta, comme à Bombay, comme à Suez, le mandat d’arrestation lui manquait encore! Cependant le juge Obadiah avait pris acte de l’aveu échappé à Passepartout, qui aurait donné tout ce qu’il possédait pour reprendre ses imprudentes paroles. «Les faits sont avoués? dit le juge. — Avoués, répondit froidement Mr. Fogg. — Attendu, reprit le juge, attendu que la loi anglaise entend protéger également et rigoureusement toutes les religions des populations de l’Inde, le délit étant avoué par le sieur Passepartout, convaincu d’avoir violé d’un pied sacrilège le pavé de la pagode de Malebar-Hill, à Bombay, dans la journée du 20 octobre, condamne ledit Passepartout à quinze jours de prison et à une amende de trois cents livres (7,500 fr.). — Trois cents livres? s’écria Passepartout, qui n’était véritablement sensible qu’à l’amende. — Silence! fit l’huissier d’une voix glapissante. — Et, ajouta le juge Obadiah, attendu qu’il n’est pas matériellement prouvé qu’il n’y ait pas connivence entre le domestique et le maître, qu’en tout cas celui-ci doit être tenu responsable des gestes d’un serviteur à ses gages, retient ledit Phileas Fogg et le condamne à huit jours de prison et cent cinquante livres d’amende. Greffier, appelez une autre cause!» Fix, dans son coin, éprouvait une indicible satisfaction. Phileas Fogg retenu huit jours à Calcutta, c’était plus qu’il n’en fallait pour donner au mandat le temps de lui arriver. Passepartout était abasourdi. Cette condamnation ruinait son maître. Un pari de vingt mille livres perdu, et tout cela parce que, en vrai badaud, il était entré dans cette maudite pagode! Phileas Fogg, aussi maître de lui que si cette condamnation ne l’eût pas concerné, n’avait pas même froncé le sourcil. Mais au moment où le greffier appelait une autre cause, il se leva et dit: «J’offre caution. — C’est votre droit», répondit le juge. Fix se sentit froid dans le dos, mais il reprit son assurance, quand il entendit le juge, «attendu la qualité d’étrangers de Phileas Fogg et de son domestique», fixer la caution pour chacun d’eux à la somme énorme de mille livres (25,000 fr.). C’était deux mille livres qu’il en coûterait à Mr. Fogg, s’il ne purgeait pas sa condamnation. «Je paie», dit ce gentleman. Et du sac que portait Passepartout, il retira un paquet de bank-notes qu’il déposa sur le bureau du greffier. «Cette somme vous sera restituée à votre sortie de prison, dit le juge. En attendant, vous êtes libres sous caution. — Venez, dit Phileas Fogg à son domestique. — Mais, au moins, qu’ils rendent les souliers!» s’écria Passepartout avec un mouvement de rage. On lui rendit ses souliers. «En voilà qui coûtent cher! murmura-t-il. Plus de mille livres chacun! Sans compter qu’ils me gênent!» Passepartout, absolument piteux, suivit Mr. Fogg, qui avait offert son bras à la jeune femme. Fix espérait encore que son voleur ne se déciderait jamais à abandonner cette somme de deux mille livres et qu’il ferait ses huit jours de prison. Il se jeta donc sur les traces de Fogg. Mr. Fogg prit une voiture, dans laquelle Mrs. Aouda, Passepartout et lui montèrent aussitôt. Fix courut derrière la voiture, qui s’arrêta bientôt sur l’un des quais de la ville. À un demi-mille en rade, le Rangoon était mouillé, son pavillon de partance hissé en tête de mât. Onze heures sonnaient. Mr. Fogg était en avance d’une heure. Fix le vit descendre de voiture et s’embarquer dans un canot avec Mrs. Aouda et son domestique. Le détective frappa la terre du pied. «Le gueux! s’écria-t-il, il part! Deux mille livres sacrifiées! Prodigue comme un voleur! Ah! je le filerai jusqu’au bout du monde s’il le faut; mais du train dont il va, tout l’argent du vol y aura passé!» L’inspecteur de police était fondé à faire cette réflexion. En effet, depuis qu’il avait quitté Londres, tant en frais de voyage qu’en primes, en achat d’éléphant, en cautions et en amendes, Phileas Fogg avait déjà semé plus de cinq mille livres (125,000 fr.) sur sa route, et le tant pour cent de la somme recouvrée, attribué aux détectives, allait diminuant toujours. Chapitre 16 OU FIX N’A PAS L’AIR DE CONNAITRE DU TOUT LES CHOSES DONT ON LUI PARLE. Le Rangoon, l’un des paquebots que la Compagnie péninsulaire et orientale emploie au service des mers de la Chine et du Japon, était un steamer en fer, à hélice, jaugeant brut dix-sept cent soixante-dix tonnes, et d’une force nominale de quatre cents chevaux. Il égalait le Mongolia en vitesse, mais non en confortable. Aussi Mrs. Aouda ne fut-elle point aussi bien installée que l’eût désiré Phileas Fogg. Après tout, il ne s’agissait que d’une traversée de trois mille cinq cents milles, soit de onze à douze jours, et la jeune femme ne se montra pas une difficile passagère. Pendant les premiers jours de cette traversée, Mrs. Aouda fit plus ample connaissance avec Phileas Fogg. En toute occasion, elle lui témoignait la plus vive reconnaissance. Le flegmatique gentleman l’écoutait, en apparence au moins, avec la plus extrême froideur, sans qu’une intonation, un geste décelât en lui la plus légère émotion. Il veillait à ce que rien ne manquât à la jeune femme. À de certaines heures il venait régulièrement, sinon causer, du moins l’écouter. Il accomplissait envers elle les devoirs de la politesse la plus stricte, mais avec la grâce et l’imprévu d’un automate dont les mouvements auraient été combinés pour cet usage. Mrs. Aouda ne savait trop que penser, mais Passepartout lui avait un peu expliqué l’excentrique personnalité de son maître. Il lui avait appris quelle gageure entraînait ce gentleman autour du monde. Mrs. Aouda avait souri; mais après tout, elle lui devait la vie, et son sauveur ne pouvait perdre à ce qu’elle le vît à travers sa reconnaissance. Mrs. Aouda confirma le récit que le guide indou avait fait de sa touchante histoire. Elle était, en effet, de cette race qui tient le premier rang parmi les races indigènes. Plusieurs négociants parsis ont fait de grandes fortunes aux Indes, dans le commerce des cotons. L’un d’eux, Sir James Jejeebhoy, a été anobli par le gouvernement anglais, et Mrs. Aouda était parente de ce riche personnage qui habitait Bombay. C’était même un cousin de Sir Jejeebhoy, l’honorable Jejeeh, qu’elle comptait rejoindre à Hong-Kong. Trouverait-elle près de lui refuge et assistance? Elle ne pouvait l’affirmer. À quoi Mr. Fogg répondait qu’elle n’eût pas à s’inquiéter, et que tout s’arrangerait mathématiquement! Ce fut son mot. La jeune femme comprenait-elle cet horrible adverbe? On ne sait. Toutefois, ses grands yeux se fixaient sur ceux de Mr. Fogg, ses grands yeux «limpides comme les lacs sacrés de l’Himalaya»! Mais l’intraitable Fogg, aussi boutonné que jamais, ne semblait point homme à se jeter dans ce lac. Cette première partie de la traversée du Rangoon s’accomplit dans des conditions excellentes. Le temps était maniable. Toute cette portion de l’immense baie que les marins appellent les «brasses du Bengale» se montra favorable à la marche du paquebot. Le Rangoon eut bientôt connaissance du Grand-Andaman, la principale du groupe, que sa pittoresque montagne de Saddle-Peak, haute de deux mille quatre cents pieds, signale de fort loin aux navigateurs. La côte fut prolongée d’assez près. Les sauvages Papouas de l’île ne se montrèrent point. Ce sont des êtres placés au dernier degré de l’échelle humaine, mais dont on fait à tort des anthropophages. Le développement panoramique de ces îles était superbe. D’immenses forêts de lataniers, d’arecs, de bambousiers, de muscadiers, de tecks, de gigantesques mimosées, de fougères arborescentes, couvraient le pays en premier plan, et en arrière se profilait l’élégante silhouette des montagnes. Sur la côte pullulaient par milliers ces précieuses salanganes, dont les nids comestibles forment un mets recherché dans le Céleste Empire. Mais tout ce spectacle varié, offert aux regards par le groupe des Andaman, passa vite, et le Rangoon s’achemina rapidement vers le détroit de Malacca, qui devait lui donner accès dans les mers de la Chine. Que faisait pendant cette traversée l’inspecteur Fix, si malencontreusement entraîné dans un voyage de circumnavigation? Au départ de Calcutta, après avoir laissé des instructions pour que le mandat, s’il arrivait enfin, lui fût adressé à Hong-Kong, il avait pu s’embarquer à bord du Rangoon sans avoir été aperçu de Passepartout, et il espérait bien dissimuler sa présence jusqu’à l’arrivée du paquebot. En effet, il lui eût été difficile d’expliquer pourquoi il se trouvait à bord, sans éveiller les soupçons de Passepartout, qui devait le croire à Bombay. Mais il fut amené à renouer connaissance avec l’honnête garçon par la logique même des circonstances. Comment? On va le voir. Toutes les espérances, tous les désirs de l’inspecteur de police, étaient maintenant concentrés sur un unique point du monde, Hong-Kong, car le paquebot s’arrêtait trop peu de temps à Singapore pour qu’il pût opérer en cette ville. C’était donc à Hong-Kong que l’arrestation du voleur devait se faire, ou le voleur lui échappait, pour ainsi dire, sans retour. En effet, Hong-Kong était encore une terre anglaise, mais la dernière qui se rencontrât sur le parcours. Au-delà, la Chine, le Japon, l’Amérique offraient un refuge à peu près assuré au sieur Fogg. À Hong-Kong, s’il y trouvait enfin le mandat d’arrestation qui courait évidemment après lui, Fix arrêtait Fogg et le remettait entre les mains de la police locale. Nulle difficulté. Mais après Hong-Kong, un simple mandat d’arrestation ne suffirait plus. Il faudrait un acte d’extradition. De là retards, lenteurs, obstacles de toute nature, dont le coquin profiterait pour échapper définitivement. Si l’opération manquait à Hong-Kong, il serait, sinon impossible, du moins bien difficile, de la reprendre avec quelque chance de succès. «Donc, se répétait Fix pendant ces longues heures qu’il passait dans sa cabine, donc, ou le mandat sera à Hong-Kong, et j’arrête mon homme, ou il n’y sera pas, et cette fois il faut à tout prix que je retarde son départ! J’ai échoué à Bombay, j’ai échoué à Calcutta! Si je manque mon coup à Hong-Kong, je suis perdu de réputation! Coûte que coûte, il faut réussir. Mais quel moyen employer pour retarder, si cela est nécessaire, le départ de ce maudit Fogg?» En dernier ressort, Fix était bien décidé à tout avouer à Passepartout, à lui faire connaître ce maître qu’il servait et dont il n’était certainement pas le complice. Passepartout, éclairé par cette révélation, devant craindre d’être compromis, se rangerait sans doute à lui, Fix. Mais enfin c’était un moyen hasardeux, qui ne pouvait être employé qu’à défaut de tout autre. Un mot de Passepartout à son maître eût suffi à compromettre irrévocablement l’affaire. L’inspecteur de police était donc extrêmement embarrassé, quand la présence de Mrs. Aouda à bord du Rangoon, en compagnie de Phileas Fogg, lui ouvrit de nouvelles perspectives. Quelle était cette femme? Quel concours de circonstances en avait fait la compagne de Fogg? C’était évidemment entre Bombay et Calcutta que la rencontre avait eu lieu. Mais en quel point de la péninsule? Était-ce le hasard qui avait réuni Phileas Fogg et la jeune voyageuse? Ce voyage à travers l’Inde, au contraire, n’avait-il pas été entrepris par ce gentleman dans le but de rejoindre cette charmante personne? car elle était charmante! Fix l’avait bien vu dans la salle d’audience du tribunal de Calcutta. On comprend à quel point l’agent devait être intrigué. Il se demanda s’il n’y avait pas dans cette affaire quelque criminel enlèvement. Oui! cela devait être! Cette idée s’incrusta dans le cerveau de Fix, et il reconnut tout le parti qu’il pouvait tirer de cette circonstance. Que cette jeune femme fût mariée ou non, il y avait enlèvement, et il était possible, à Hong-Kong, de susciter au ravisseur des embarras tels, qu’il ne pût s’en tirer à prix d’argent. Mais il ne fallait pas attendre l’arrivée du Rangoon à Hong-Kong. Ce Fogg avait la détestable habitude de sauter d’un bateau dans un autre, et, avant que l’affaire fût entamée, il pouvait être déjà loin. L’important était donc de prévenir les autorités anglaises et de signaler le passage du Rangoon avant son débarquement. Or, rien n’était plus facile, puisque le paquebot faisait escale à Singapore, et que Singapore est reliée à la côte chinoise par un fil télégraphique. Toutefois, avant d’agir et pour opérer plus sûrement, Fix résolut d’interroger Passepartout. Il savait qu’il n’était pas très difficile de faire parler ce garçon, et il se décida à rompre l’incognito qu’il avait gardé jusqu’alors. Or, il n’y avait pas de temps à perdre. On était au 30 octobre, et le lendemain même le Rangoon devait relâcher à Singapore. Donc, ce jour-là, Fix, sortant de sa cabine, monta sur le pont, dans l’intention d’aborder Passepartout «le premier» avec les marques de la plus extrême surprise. Passepartout se promenait à l’avant, quand l’inspecteur se précipita vers lui, s’écriant: «Vous, sur le Rangoon! — Monsieur Fix à bord! répondit Passepartout, absolument surpris, en reconnaissant son compagnon de traversée du Mongolia. Quoi! je vous laisse à Bombay, et je vous retrouve sur la route de Hong-Kong! Mais vous faites donc, vous aussi, le tour du monde? — Non, non, répondit Fix, et je compte m’arrêter à Hong-Kong, — au moins quelques jours. — Ah! dit Passepartout, qui parut un instant étonné. Mais comment ne vous ai-je pas aperçu à bord depuis notre départ de Calcutta? — Ma foi, un malaise... un peu de mal de mer... Je suis resté couché dans ma cabine... Le golfe du Bengale ne me réussit pas aussi bien que l’océan Indien. Et votre maître, Mr. Phileas Fogg? — En parfaite santé, et aussi ponctuel que son itinéraire! Pas un jour de retard! Ah! monsieur Fix, vous ne savez pas cela, vous, mais nous avons aussi une jeune dame avec nous. — Une jeune dame?» répondit l’agent, qui avait parfaitement l’air de ne pas comprendre ce que son interlocuteur voulait dire. Mais Passepartout l’eut bientôt mis au courant de son histoire. Il raconta l’incident de la pagode de Bombay, l’acquisition de l’éléphant au prix de deux mille livres, l’affaire du sutty, l’enlèvement d’Aouda, la condamnation du tribunal de Calcutta, la liberté sous caution. Fix, Íå íàøëè, ÷òî èñêàëè? Âîñïîëüçóéòåñü ïîèñêîì:
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